Maison à (ne pas) vendre. Au premier coup d'œil, elle comprend pourquoi la maison est réputée invendable. Trop grande, peu pratique, une façade comme un visage aplati et une lumière quasi inexistante : peu de chances que les acheteurs se bousculent au portillon. Mais comme elle est l'un de ses meilleurs éléments, le chef de l'agence immobilière chargée de la vente lui confie le dossier. Aux défauts de la demeure s'ajoute la présence fantomatique d'un enfant, qu'elle rencontre entre deux visites. Le petit garçon a 7 ans et porte un uniforme scolaire marron. Plus curieux que menaçant, il exerce bientôt sur cette femme n'ayant jamais souhaité fonder de famille une étrange attraction qui la pousse à décourager tout potentiel acheteur. D'invendable, la maison devient un bien qu'elle ne veut plus vendre. Auprès d'un serrurier, elle se fait faire un double des clés, qui lui font éprouver « le vertige d'avoir dans la main quelque chose qui n'a été conçu que pour être caché ». La maison devient son jardin secret, qu'elle ne partage ni avec son père ni avec l'homme avec lequel elle vit. Un jardin pétrifié entre deux époques, celle des vivants et celle des défunts, un lieu hors du temps où les parents et le frère de l'enfant répètent à l'infini le geste qu'ils avaient esquissé au moment où tout s'était figé. « À cet instant, elle comprend : l'enfant n'est pas un fantôme, c'est simplement un enfant, captif et vivant, comme une guêpe dans une carafe en verre. »
Au cœur de l'intrigue, comme le dévoile sa seconde partie en quelques scènes invitant à la relecture de la première tant les mots peuvent receler d'indices sur ce qu'il s'est passé dans cette maison, il y a la mère de l'enfant, que l'on voit nager d'un bout à l'autre de la piscine sans jamais sortir la tête de l'eau - et n'est-ce pas ainsi qu'elle percevait sa vie familiale ?
Maître dans l'art de créer le trouble en un détour de phrase, Andrés Barba dessine roman après roman une œuvre exigeante, discrètement iconoclaste, qui invite notamment à poser un regard différent sur cet âge soi-disant doré de l'enfance, en réalité terreau de traumatismes aliénant l'âge adulte. Entre histoire de fantômes et exploration des « profondeurs de l'affection », comme l'autrice argentine Mariana Enríquez l'écrit à propos de ce livre, Le dernier jour de la vie antérieure se lit comme une fable introspective interrogeant les liens, parfois ambigus, qui nous lient à nos proches.
Le dernier jour de la vie antérieure
Bourgois
Traduit de l’espagnol par François Gaudry
Tirage: 3 000 ex.
Prix: 18 € ; 160 p.
ISBN: 9782267047653