Oscar a 29 ans, et il a tout fait, croit-il, pour couper le cordon ombilical avec ses parents, sa mère surtout. Ces deux monstres sacrés du cinéma international, Édouard Vian et Laure Brankovic, scénaristes, réalisateurs, producteurs, ont à leur actif une trentaine de films, deux mariages et trois divorces - ensemble -, et un fils unique, qu'ils aiment d'un amour à la fois tendre et exigeant. Pas facile d'échapper à une telle hérédité, même si le garçon a choisi de porter le nom d'une grand-mère, Laventi, de vivre dans un petit deux-pièces du 19e, et de ne pas faire de cinéma - provisoirement : il est scénariste pour des séries télé, script doctor, un métier qu'il a appris en stage chez Tarantino à Hollywood, où ses parents connaissent tout le monde. À l'origine, il voulait être écrivain, a publié un premier roman sous le nom d'Oscar Vian, à 16 ans, un flop retentissant. Il est un peu falot, en rupture sentimentale (plaqué par Esther), et en sevrage de coke.
De retour à Paris, il se voit en quelque sorte repris en main par ses parents terribles, aussi enjôleurs qu'impérieux. Laure veut travailler avec lui, Édouard l'entraîne à Courchevel, en compagnie de sa maîtresse Natalya, une jeune Russe blogueuse et influenceuse, mais pas seulement. Elle a un passé compliqué, des amitiés encombrantes, des fonctions occultes... Ça se passe moyennement bien et, au final, Oscar subtilisera Natalya à son père. Pour ses parents, il nourrit un grand projet : les faire se revoir, se retrouver, se remarier une ultime fois. D'autant que sa mère a fini par lui avouer, sous le sceau du plus absolu secret, qu'elle souffre d'un cancer en phase avancée. Elle sait qu'elle n'en a plus pour très longtemps. Et le miracle s'opère. Laure et Édouard se rejoignent autour d'un projet de film, celui d'Aurélie Vaillant, une jeune femme qu'ils rêvent de voir épouser Oscar. Ancienne victime d'un prédateur sexuel d'Hollywood, un certain W, elle veut porter son témoignage, et celui d'autres femmes, à l'écran.
Le quatuor se réunit dans une île grecque idéale pour travailler, le tournage est planifié au Mexique... Alors que tout semble se passer à merveille, Édouard et Laure se tuent dans un accident de la route, près de Beaufort, à Roselend, là où vivait la grand-mère Laventi. C'est la fin des jours heureux, l'effondrement pour Oscar, qui va devoir se reconstruire, et mènera à bien plusieurs projets de cinéma, dont l'un, sur l'histoire de Natalya, le conduit au Festival de Cannes.
Difficile de synthétiser cette vertigineuse machinerie imaginée par Adélaïde de Clermont-Tonnerre, qui joue sur plusieurs registres, fourmille de personnages fictifs ou réels, où l'on voyage beaucoup, et où l'on refait le monde : celui d'avant, bien sûr, lequel, depuis un an, nous semble bien lointain. Le passé proche et ses sujets sociétaux (comme le mouvement #MeToo) sont déjà entrés dans le temps du roman.
Les jours heureux
Grasset
Tirage: 55 000 ex.
Prix: 22 € ; 448 pages
ISBN: 9782246861911