Il s'appelle Jean Roscoff. Lors de sa jeunesse dans les années 1980, il fut un jeune intellectuel engagé, militant antiraciste, un rien dandy, tout ce qu'il fallait. Aujourd'hui, la soixantaine venue, les illusions perdues, alcoolique, solitaire, divorcé, frais retraité d'un parcours sans éclat à l'université, il est tout ce qu'il ne faut plus, un petit Blanc rongé de tristesse et d'un peu d'amertume. Il choisit tout de même de se reprendre en main et se lance dans l'écriture d'un ouvrage consacré à Robert Willow, un poète américain oublié, réfugié comme tant d'autres dans le Paris des existentialistes, avant de se perdre plus encore, à Étampes dans l'Essonne. Seulement voilà, Willow était noir et Roscoff n'en fait pas assez état aux yeux de ceux qui n'ont plus de nos jours d'autre boussole d'analyse que celle de l'appropriation culturelle.
L'ironie est cruelle pour celui qui s'est toujours défini comme un militant de l'égalité et, les réseaux sociaux aidant, elle pourrait même devenir tragique... Le voyant d'Étampes est le deuxième roman d'Abel Quentin après le très remarqué Sœurs (L'Observatoire, 2019). Ce n'est pas une fable, ce n'est pas une satire, mais une authentique fresque romanesque, grinçante autant que tendre parfois, navrée et en prise directe avec notre temps. Le talent de Quentin pour y faire détester celui-ci et aimer son personnage y éclate à chaque page.
Le voyant d'Étampes
Les Éditions de l’Observatoire
Tirage: 7 300 ex.
Prix: 20 € ; 384 p.
ISBN: 9791032909294