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2001, Odyssée new-yorkaise

Taxi new-yorkais filant la nuit dans les rues de Manhattan. - Photo The Wordsmith/wikimedia

2001, Odyssée new-yorkaise

Thomas Pynchon propose une fresque épique et paranoïde dans le Manhattan de 2001 - à moins qu’il ne s’agisse d’une réflexion métaphysique sur la destinée de l’humanité technologique.

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Par Fanny Taillandier
avec Créé le 27.06.2014 à 03h06

Quoique son anonymat délibéré et méthodique permette tous les fantasmes, et que son statut d’écrivain cultissime l’ait hissé depuis longtemps à l’immortalité des monuments littéraires, Thomas Pynchon n’est pas doué de la jouvence éternelle. Le fringant rejeton de la Beat generation va tout de même sur ses 80 ans, âge vénérable auquel on pourrait penser qu’il a le droit de ne plus être tout à fait dans le vent. Pour le dire honnêtement, on aurait même pu craindre le pire à le voir s’emparer, dans son dernier opus, de thématiques comme l’éclatement de la bulle Internet en 2000 et les attentats du 11-Septembre…

Maxine, New-Yorkaise hyperactive, experte en fraudes, recemment radiée du bareau, se voit confier une enquête privée sur le puissant Gabriel Ice, qui ne semble pas avoir souffert du tout de l’éclatement de la bulle Internet, et dont les diverses sociétés présentent d’étranges irrégularités comptables. En rencontrant ses employés ou ses proches, elle fait la connaissance avec le monde des nerds, découvre le "Web profond" où la logique du marché laisse encore un peu de sursis à des mondes parallèles qui tiennent de l’occulte et de l’anarchisme. Son enquête la mène aux quatre coins de Manhattan, rencontrant Russes revenus de Tchétchénie, cadres douteux et sexy de la CIA, gauchistes passionnés par les théories du complot, Californiens qui construisent un Second life anarchiste en fumant de l’herbe… Tous ces gens lui donnant des indications toujours un peu mystérieuses, et toujours un peu menaçantes. Qui sont ces hommes sur une vidéo, aux premiers jours de septembre, s’entraînant à viser les avions qui survolent la ville avec un lance-roquettes ? Pourquoi Ice détourne-t-il des fonds à destination du Proche-Orient ? Qui est cette personne, morte dans la "viandesphère", dont l’avatar vient lui soutenir qu’elle vit toujours ? Et surtout, qui prend la peine de mettre sur son chemin tant de signes contradictoires, toujours évidents et jamais clairs ? Quand deux avions se fracassent dans les Tours et que l’inquiétude et le deuil emplissent la ville, le répit n’est que de courte durée…

Si Pynchon joue avec les codes d’un certain polar (personnages barrés, détective moral mais jamais tout à fait légal, scènes de sexe torrides allant à l’encontre des intérêts de l’enquête), ce n’est qu’une astuce pour parler au lecteur de ses grandes passions, "uploadées" à l’ère numérique : d’une menace permanente et insaisissable ; d’un monde où tout est signe mais où l’interprétation est toujours impossible ; d’une socièté enfin où, aux tréfonds du Web comme dans la "viandesphère" et dans l’écriture elle-même, tout est réseau, information permanente et multiple ; surgissement, écho, pop-up et spam comme autant de modes d’existence humaine, et de façons de raconter celle-ci. Pas d’inquiétude, donc : Pynchon tient la forme. On peut toujours compter sur lui pour rappeler, avec l’humilité d’un aède qui s’amuse, que le présent est inextricable, et que la mythologie, ici le roman, n’est jamais qu’un - excellent - moyen de mettre en scène les signes, magiques et terrifiants pour eux-mêmes.

Fanny Taillandier

27.06 2014

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