Son frère le Caravage. « Arabe et pédé à Hérouville Saint-Clair, c'est pas simple », écrit Lyazid, le jeune narrateur de Zadig Hamroune, son double. On veut bien le croire. On est dans les années 1970-1980, et les mentalités sont encore, sur le plan des mœurs, bien rétrogrades. À supposer d'ailleurs que, quarante ans après, elles aient vraiment changé dans la « France profonde ».
Chez lui, en tout cas, pas question. On est dans une famille algérienne de Kabyles pieux : un père ouvrier chez Renault, bosseur mais alcoolique, joueur aux courses et cogneur ; une mère totalement illettrée, qui mène sa famille à la chicotte et ne transige pas avec les traditions ; et neuf enfants, sœurs et frères de deux lits différents. Parmi eux, Lyazid, à part. Le « chouchou de maman » (il n'est pas d'accord avec ça), intelligent, excellent élève, sensible, qui veut être écrivain, se fait sa culture tout seul, vénère Salammbô et Michelangelo Merisi, dit Le Caravage, dont l'œuvre et la vie le touchent et qu'il considère comme son frère, son « ange ». Car, outre son homosexualité, les brimades, les abus de son frère aîné - un vrai voyou -, le garçon est fasciné par la Vierge Marie, dévore la Bible, et voudrait être catholique, ne serait-ce que pour échapper aux rigueurs de l'école coranique et à la circoncision ! Raté.
Alors il trouve son salut à l'école, dont on ne saluera jamais assez le rôle vital, et se met à écrire. En attendant de partir et de faire sa vie, libre enfin. Cela nous vaut un récit à la fois drôle et émouvant, foutraque, non sans longueurs et facilités, mais sincère et élégamment écrit.