Dans le deuxième épisode de la série Girls, Hannah Horvath (Lena Dunham), apprenti écrivaine persuadée de son talent, assiste à son premier atelier à l’Iowa Writer’s Workshop. Tandis qu’une poignée d’étudiants lisent à tour de rôle leur ouvrage en cours, la New-Yorkaise se fend de remarques acides sur le travail de ses camarades, avant d’être elle-même moquée pour sa prose prétentieuse. Après la diffusion, les réactions ont été nombreuses dans la presse anglo-saxonne. C’est que Lena Dunham, également créatrice de la série de HBO, a osé toucher à un mythe : le master de création littéraire de l’université de l’Iowa est le plus ancien et le plus prestigieux des Etats-Unis.
Programmes universitaires cotés, grandes conférences annuelles ou "workshops" en petit comité, les options de formation à l’écriture ne manquent pas outre-Atlantique. Pour un auteur débutant, travailler son manuscrit dans le cadre d’un atelier collectif est presque un passage obligé pour réussir à se faire publier. "L’Amérique a toujours eu une tradition d’ateliers d’écriture", explique Jeffrey Ourvan, de la Jennifer Lyons Literary Agency. L’agent new-yorkais fait remonter à près d’un siècle les premières formations, mais observe un tournant au cours des dix dernières années. "L’arrivée d’Amazon et la concurrence d’Internet ont affaibli le marché, et il est encore plus dur pour un auteur d’être publié. D’où l’importance de mettre le plus de chances de son côté, en optimisant son manuscrit avant de le soumettre à un agent."
En parallèle des programmes universitaires reconnus, parmi lesquels Columbia et l’Hunter College, à New York, ou l’université du Michigan, affichant sur leur site les noms de leurs anciens élèves devenus des vedettes, le pays a vu fleurir les "workshops" de quelques semaines à quelques mois. Jeffrey Ourvan, auteur de plusieurs livres après avoir bénéficié des cours du romancier John Rechy, en propose lui-même cinq différents à New York, limités chacun à cinq auteurs, pour 350 dollars. "Pendant deux mois, chaque participant envoie une quinzaine de pages par semaine, raconte Danielle Arceneaux, qui cherche à écrire ses Mémoires. Les remarques sont bienveillantes mais directes : nous poursuivons tous le même but, être publiés."
Grandes stars
Jeff Ourvan a choisi la double casquette d’agent et d’enseignant, mais son cas est atypique. La plupart des professeurs invités à l’université ou responsables de "workshops" sont d’anciens éditeurs, mais surtout des auteurs publiés. Parmi eux, on trouve parfois des stars. Jesmyn Ward, lauréate du National Book Award 2011, est cette année professeure invitée à l’université Tulane, à la Nouvelle-Orléans. Orhan Pamuk, passé par le master de l’Iowa, enseigne à Columbia.
"Nos ateliers sont menés par des écrivains renommés", confirme Adrienne Brodeur. Auteure, éditrice et cofondatrice de la revue Zoetrope : All-Story, elle dirige le centre littéraire Aspen Words, qui organise chaque été la conférence Aspen Summer Words. Pendant six jours, auteurs émergents, éditeurs, agents et grand public se retrouvent pour des débats et des ateliers. "Ecrire est une entreprise très solitaire. Notre programme, comme les conférences de Sewanee, dans le Tennessee, ou Squaw Valley, en Californie, permet aux jeunes écrivains de se constituer un réseau et de faire connaître leur travail", détaille-t-elle. Le rendez-vous phare du Summer Words est un atelier d’écriture devant un jury, grâce auquel le centre sélectionne ses nouveaux étudiants. Peut-être les Jesmyn Ward et Orhan Pamuk de demain. De New York, M. D.