27 août > Premier Roman Irlande

Difficile, trop complexe, trop noir, trop brut… L’Irlandaise Eimear McBride a dû attendre neuf ans avant que le manuscrit de ce premier roman frappant ne soit accepté par un éditeur. Saisissant, dérangeant parfois, en tout cas hors normes, même s’il a été comparé aux œuvres d’illustres compatriotes - Joyce, dont la lecture a été un choc pour l’écrivaine, Beckett, O’Brien… -, Une fille est une chose à demi relate le parcours chaotique, de 5 ans à 20 ans, d’une fille qui a des "dents qui grattent dans [sa] tête".

Même s’il ne faut que peu de temps pour s’accoutumer à sa narration heurtée, ce roman demande concentration et abandon pour suivre le rythme haché des pensées, des sentiments, des émotions d’un "je" jamais identifié. Quelques repères situent l’histoire en Irlande dans les années 1980. La jeune narratrice a un frère plus âgé, opéré enfant d’une tumeur au cerveau, malade en rémission mais resté handicapé. Les deux grandissent d’abord à la campagne, élevés par une mère dévote, saisie d’accès de violence. A 13 ans, l’adolescente, abusée par un oncle, s’engage dans une sexualité frénétique. "Le début ados nous. Treize moi, quinze seize toi. Vague et vague d’hormones de ça déferlent. Comme un jet chaud giclée froide le long de mon cou. Déversé avec des pensées nouvelles, gênantes en fait et de choses qui doivent toujours être dites. Déverse-le. Crache-le." Ponctuation chahutée, phrases tronquées, fulgurances et ellipses comme dans une forme de verbalisation primitive, voix extérieures s’intercalant sans guillemets. De ce stream of consciousness naît une langue sauvage, celle d’une fille en chantier, de cette half-formed thing" du titre original (traduit par "une chose à demi").

En 2014, entre autres prestigieuses récompenses, Eimear McBride a remporté The Baileys Women’s Prize for Fiction (ex-Orange Prize). Véronique Rossignol

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