"La littérature n’est jamais loin de la boxe", écrit quelque part Daniel Rondeau, dans ce superbe petit livre, essai littéraire, traité pugilistique, recueil de tranches de vies. Exercice de fraternité, surtout. Les boxeurs sont comme les écrivains ou les fumeurs de havanes - Rondeau est les trois -, il y a entre eux une osmose immédiate, une réelle empathie, qui peut s’étendre au reste de l’humanité. Parfois et du moins en partie.
Pratiquant depuis dix ans le "noble art", mais sérieusement, chaque jour, après avoir tâté dans sa jeunesse de la course à pied, du vélo ou de la natation, sports de "prolos", Rondeau a choisi de célébrer celui à qui il doit cette passion, mais aussi ce goût du dépassement de soi, de l’effort, cet apprentissage de la résistance à la souffrance, car "la boxe est [aussi] un chemin de croix", dit-il. Son coach, son gourou, c’est Jérôme Vilmain, du Boxing-club d’Epernay, un personnage hors du commun, ouvrier chez Mercier aux allures de Clint Eastwood. Autour de lui, issus de son écurie, des champions comme Jean-Michel Hamilcaro, Amina Hamzaoui, ouvrière-vigneronne chez Moët & Chandon, qui fut championne du monde 2014 dans sa catégorie, le Sénégambien Maye Cissé, dont tout le monde se rappelle la "boxe aérienne", mais qui dut mettre fin à sa carrière après une blessure au cours d’une rixe où il a sauvé une vie, ou encore Georges Beaupuis, le benjamin, le casse-cou, fils d’un modeste vigneron. La boxe n’est pas le sport des élites sociales, et, comme on est en Champagne, la plupart des licenciés du club travaillent dans le vin divin. Une autre des grandes passions de Rondeau.
Renouant presque avec son métier premier, le feuilleton social à Libération, Daniel Rondeau a rencontré tous ces gens, les fréquente et les aime. Il les raconte et les fait parler, avec beaucoup de justesse. Au passage, il glisse quelques anecdotes personnelles, séances de boxe avec ses amis dans sa résidence d’ambassadeur à Malte, ou sur le pont du BCR Meuse, lors de la croisière "politique" et littéraire étonnante qu’il avait organisée en Méditerranée, de La Valette à Beyrouth, en 2009. On révise aussi en sa compagnie l’histoire de la boxe depuis ses origines, antiques - avec Pollux dans L’Iliade - et on enrichit sa bibliothèque idéale grâce à Joyce Carol Oates, Nick Tosches, Alexis Philonenko ou à l’artiste espagnol Eduardo Arroyo, héros du dernier chapitre de ce livre, tous des aficionados. L’auteur, lui, après cet intermède réussi, est déjà reparti dans l’écriture de son prochain roman, un gros, prévu pour l’automne. Serait-il aussi marathonien ? J.-C. P.