15 MARS - ROMAN Italie

Giuseppe Genna- Photo DR

Giuseppe Genna, 42 ans, est un peu à l'Italie ce qu'un Dantec serait à la France : un activiste tout feu tout flamme, doublé d'un empêcheur d'écrire, d'éditer et de lire en rond. Si le terme a encore quelque pertinence, ce serait un postmoderne jouant avec la littérature de genre, et notamment le thriller, en en révélant et excédant les frontières. Proche du groupe d'écrivains Wu Ming 1, il a longtemps dirigé chez Mondadori une collection ayant permis à son pays de découvrir des auteurs aussi résolument contemporains que Chuck Palahniuk, Dave Eggers, Zadie Smith ou William Vollmann. Pynchon et DeLillo sont les dieux lares de son écriture, comme ont déjà pu le constater les lecteurs de ses trois premiers livres traduits en français, Au nom d'Ismaël, Sous un ciel de plomb et La peau du dragon (tous trois chez Grasset, 2003, 2004 et 2006). Cette dilection pour les horizons postmodernes du roman de genre est à la fois encore plus marquée et mieux aboutie dans L'année-lumière, qu'il publie cette fois-ci à l'enseigne des éditions Métailié.

De quoi s'agit-il ? Pour l'essentiel, de quelques-uns au moins des sept cercles de l'enfer et, pour faire bonne figure, de l'amour au temps des nouvelles technologies et de la dictature des marchés. Mental, le héros du livre, la quarantaine suffisamment indifférente à tout pour être séduisante, est un haut dirigeant d'une grande entreprise italienne de téléphonie mobile. Celle-ci fait l'objet d'une tentative de prise de contrôle hostile de la part d'une société jumelle anglaise, orchestrée pour ses aspects les plus sombres par un homme qui aime à se faire appeler l'Affairiste, barbouze de haut vol qui promène son redoutable cynisme dans le monde du renseignement depuis cinquante ans, du Saint-Tropez de Willy Rizzo à l'Afrique du Sud postapartheid. C'est cet homme que devra affronter Mental, fragilisé par l'accident cérébral qui a plongé son épouse dans un état de catatonie que nul n'explique, le corps médical pas plus qu'un autre. Le récit qui baguenaude plaisamment du côté du Vatican, de la loge P2 à l'élection du cardinal Ratzinger, n'est rien d'autre que le cauchemar éveillé de notre époque. Là où Genna intrigue et finalement emporte l'adhésion, c'est par le très curieux maniérisme lyrique de son écriture. Le noir chez lui est une volupté. C'est aussi un manifeste non seulement idéologique, mais aussi poétique. Entre cabinet de curiosités et nature définitivement morte.

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