Auteurs il y a tout juste deux ans du remarqué Dans l’ombre de Charonne (1), Désirée et Alain Frappier reviennent avec un ouvrage à l’angle mémoriel assez proche, mais au sujet très différent. Ils portent cette fois leur regard sur les années 1980 à travers une tranche de la jeunesse de Désirée, racontée à la première personne. Celle-ci a 22 ans au moment de la victoire de François Mitterrand à l’élection présidentielle de 1981, qui ouvre le récit, et, pour paraphraser Paul Nizan, ce n’est pas tous les jours le plus bel âge de sa vie.
Désirée abandonne ses cours de théâtre et « le vieux peintre qui, depuis 4 ans, refait indéfiniment le même portrait [d’elle] ». Elle monte sa propre pièce, conçoit les costumes de scène d’une amie saxophoniste, avorte, manque encore d’avorter mais choisit cette fois de garder l’enfant prénommé Mélo. Mélo comme mélodrame ou comme le méli-mélo qui donne sa force à l’album. L’aménagement du précaire logement-atelier de couture de Désirée, les souvenirs et la vie de ses voisins se fondent dans le mouvement de l’époque, de l’accident nucléaire de Tchernobyl aux polémiques sur la construction du pont de l’île de Ré, en passant par les mobilisations étudiantes contre la loi Devaquet.
Avec Désirée et avec Alain Frappier, qui accompagne de son dessin polymorphe les mille strates de ses souvenirs, le quotidien devient une grande aventure, une épopée. Sa joie de vivre transcende épreuves et contrariétés. La vie « sans » mode d’emploi ? Pas si sûr.
Fabrice Piault
(1) Voir « Sous les bidules », LH 892, du 13.1.2012, p. 65.