Pourquoi ce qui a bien commencé ne devrait-il pas se terminer de même ? Ainsi, cette année littéraire. Pourquoi ne pas la finir aussi bien que nombre de lecteurs l'entamèrent : avec Anne Wiazemsky ? En janvier, l'auteure de Jeune fille publiait Une année studieuse (Gallimard), récit de douze mois passés dans la lumière et dans l'amour de Jean-Luc Godard, autour du tournage de La Chinoise, récit de génération où les enfants sages ne dissipent que leur jeunesse. Aujourd'hui, comme en un avant-goût des fêtes de fin d'année, elle nous offre son album de photographies et de famille de ces années-là, qui serait moins un commentaire d'Une année studieuse que son contrechamp (et sa suite, puisque la jeune femme fit l'acquisition du Pentax, qui la révéla photographe, avec ses cachets perçus pour son interprétation dans le film de Godard).

On songe, en feuilletant ce beau livre, au non moins précieux Tu n'as rien vu à Hiroshima (Gallimard, 2009), recueil de photographies de l'actrice Emmanuelle Riva prises autour du tournage d'Hiroshima mon amour. Qu'a-t-elle vu, elle, la jeune Anne, dans l'éclat de ses 20 ans et l'objectif de son appareil, durant ces quelques mois où, pour oublier la comédienne qu'elle devient, elle s'imagine un avenir de photographe de plateau ? Rien que de très fugace et précieux. L'intensité inquiète du regard de son mari cinéaste, la beauté de statue de Jeanne Moreau (sur le tournage de La mariée était en noir), la vaillance de Mireille Darc, les Stones en anges boudeurs, le sourire de Pasolini, Michel Cournot dont l'intelligence est une bienveillance, quelques amis aux traits déjà presque estompés. Les plaisirs et les jours d'une bande merveilleuse qui semble deviner que sa jeunesse lui survivra. Le tout accompagné de quelques lignes, bribes de souvenirs et fils d'une Ariane désenchantée, très dans la "manière Wiazemsky", toute d'élégance et de regrets tus.

On objectera que ce livre, "pas de côté" d'une oeuvre qui s'affirme un peu plus chaque fois, n'est pas indispensable. C'est vrai puisque rien ne l'est, pas même la mémoire. Celle des autres lorsqu'elle devient la nôtre...