4 janvier > Chroniques France > Philippe Delerm

Les mots ne mentent pas. Ils trahissent les intentions plus ou moins conscientes de celui qui les prononce, tout comme ses mimiques, ou son ton. Philippe Delerm qui, durant sa carrière de professeur, a eu tout le temps de s’en rendre compte et de les analyser, ces mots (il leur a même consacré une collection, "Le goût des mots", qu’il dirige chez Points), ces expressions du quotidien, si banales en apparence, mais qui en disent tant, sur soi, les autres, et notre rapport au monde. Tel un sismographe dont l’acuité n’est plus à démontrer, Delerm excelle à détecter la moindre nuance, le plus infime sous-entendu. C’est cela qu’il qualifie de "perfidie". Sauf que ce ne sont pas les expressions qui sont perfides, mais la pensée de celui qui les emploie. Ainsi, dans le "Et vous avez eu beau temps ?" qui donne son titre au recueil et sur quoi il s’ouvre, tout est dans le "et". "Car vous le savez trop bien, conclut-il, j’ai eu un temps pourri." Les exemples du même genre abondent, le "Pour être tout à fait honnête avec toi", qui annonce une vacherie, le "Nous allons vous laisser", qui trahit qu’on s’est enquiquiné toute la soirée, le "En même temps, je peux comprendre", qui indique, au fond, la désapprobation.

Delerm dissèque en (s’)amusant. Mais ce livre n’est pas seulement d’un lexicographe amateur : on y trouve de courtes nouvelles (comme "Ça, c’était l’été 98"), quelques-uns de ses écrivains favoris (Proust, Colette, Hergé), des films avec Noiret et Rochefort, et même une chanson peu connue d’Alain Souchon, Dix-huit ans que je t’ai à l’œil. Tout le petit monde de l’écrivain est là. J.-C. P.

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