En ce juillet caniculaire, Léo, qui vit seul avec sa mère, se retrouve solitaire à Paris, dans leur appartement du 14 rue Nicolet, à Montmartre. Léo a 17 ans, il est en première. C'est un garçon plutôt sérieux, même s'il a des rêves plein la tête et qu'il écrit des poèmes. Léo, avec sa tignasse blond vénitien et ses yeux très bleus, est beau. Tous succombent à son charme : sa copine Inés, mais elle est en vacances ; sa voisine Julie, une cougar qui le dépucelle, tombe amoureuse, et met fin à leur relation après cette superbe déclaration : « Tu es tout neuf » ; Bennati, son professeur de français, viril, décontracté, motard, l'image de substitution d'un père que le garçon n'a pas vu depuis dix ans. Léo a subodoré son homosexualité et vivra avec lui une aventure aussi brève que torride ; et même une touriste japonaise, croisée dans la rue.
Mais Léo, en pleine crise de l'adolescence, préfère rester seul, souvent nu, à rêvasser, et à écrire. Jusqu'au moment où il croit qu'il est en train de devenir aveugle. En fait, il subit des éclipses de lumière, se retrouve dans le noir, pour une durée plus ou moins longue. Consultés, les médecins ne décèleront aucune pathologie, mais ce qu'on nomme une « cécité hystérique ». Car Léo est un hypersensible qui, dans l'obscurité, distingue ce que d'autres ne verront jamais : des fantômes par exemple.
Un jour, en rentrant, il tombe sur le portrait d'Arthur Rimbaud, crayonné sur la façade de son immeuble et encadré de mosaïque, par l'artiste de street art Morjève. Après des recherches sur le Net, Léo découvre que le 14 rue Nicolet était, en 1871, l'hôtel particulier des Mauté, la famille de Mathilde, l'épouse de Verlaine. Le jeune couple habitait là, et c'est là qu'a débarqué, une nuit, en provenance de son Charleville natal, Arthur Rimbaud, à l'assaut de la capitale, le seul endroit où l'on pouvait être poète. Il a vite déchanté, au terme d'un dérèglement effréné de tous les sens et de débauches qui l'ont conduit, d'hôtels minables en bouges, jusqu'au Quartier latin, puis à la rue Campagne Première où il écrivit sa Chasse spirituelle, œuvre disparue.
Léo tombe amoureux de Rimbaud, lequel infuse en lui. Il se voit, se rêve et se vit comme un nouveau Rimbaud, persuadé que sa chambre fut autrefois celle de l'hôte infernal de Verlaine, qu'il a martyrisé, par amour fou. Et il écrit des poèmes superbes, admirés par son prof, et adoubés par Alain Borer, expert ès-Rimbaud, et par ailleurs ami d'Alain Blottière. Par passion, le garçon se tatoue RIMB sur la pommette gauche et part à l'aventure, alors que déferle sur Paris une brûlante tempête de poussière, annonciatrice de la fin du monde qui hante ses pensées.
La fin de ce roman, tout en finesse et poésie dans sa peinture des tourments de l'adolescence, est à l'aune de l'ensemble : énigmatique sans être obscure, ouverte. Les personnages, qui tournent tous autour de Léo comme d'un soleil noir, sont attachants - comme M. Printz, le vieux peintre juif mélomane, si âgé qu'il aurait pu connaître Verlaine ! -, et le Paris du XIXe siècle, Montmartre en particulier, magistralement reconstitué.
Azur noir
Gallimard
Tirage: 7 000 ex.
Prix: 16 euros; 160 p.
ISBN: 9782072879333