Bien qu’il s’en défende, Tarte aux pêches tibétaines est bien une autobiographie allègre et musardant gaiement de Tom Robbins. C’est aussi - et, à sa parution, la presse américaine s’en est largement fait l’écho - le livre de lui que l’on n’attendait plus. Loin d’affadir son penchant naturel à l’imagination et à la fantaisie, l’exigence du réel et de la vérité que porte tout projet autobiographique lui donne ici une force que ne contraint tout de même aucun cadre. Ce serait donc l’histoire d’un homme aujourd’hui octogénaire, mais dont la jeunesse préservée éclate à chaque page, un enfant du Sud, petit-fils de deux prédicateurs baptistes, à qui l’Amérique censément puritaine offre le plus merveilleux des terrains de jeux. Sa scène initiale? Les cirques itinérants qui, durant la Grande Dépression, de villages en petites villes oubliées, lui offrirent à vie un horizon. Le reste sera à la hauteur de cet enchantement premier. Petit Tom ne deviendra jamais tout à fait grand. Il sera tour à tour météorologiste dans l’armée en Corée, DJ, journaliste, critique d’art et enfin, notamment avec son chef-d’œuvre, Même les cow-girls ont du vague à l’âme (Balland, 1978, puis Gallmeister, 2017), romancier et héraut à jamais de la contre-culture. En ces pages où Robbins a l’élégance de ne jamais se départir de son goût du bonheur, il paye sa dette à tout ce qui l’a formé, les voyages à travers le monde, la Californie des hippies et, plus inattendus, les films de François Truffaut. C’est une vie vécue comme un merveilleux brouillon; une vie où l’imagination et le réel se tirent joliment la bourre. Olivier Mony