6 novembre > Essai France

Un chanfrein (masque en métal pour les chevaux à la Renaissance), une aquatinte, des carreaux islamiques, un godemiché ayant appartenu à Robert Brasillach, des porcelaines chinoises, des papiers froissés, des faïences anglaises, des poupées, des têtes en cire de criminels, un portrait de Bérard par Lucian Freud, des œufs de Tchelitchew, une boîte à mégots « bricolée » par Picasso, tout un bazar qui ne trouve de sens que dans l’ordre des songes et celui de la beauté : on trouve de tout dans le grand magasin de Pierre Le-Tan. Ce qu’on y cherche, ce que l’on y découvre, par hasard, au détour de magnifiques accidents. Cette fois-ci, dans ce divinement élégant et discrètement sarcastique Quelques collectionneurs, il sera donc question de collection, c’est-à-dire, suivant l’étymologie latine, de « l’action de réunir ». C’est aussi et d’abord en ce sens que Le-Tan est un grand collectionneur. Il réunit là œuvres et objets bien sûr, mais aussi les époques entre elles, le sacré et le profane, le chef-d’œuvre et le presque- rien, dans un syncrétisme qui ne doit pas à un relativisme postmoderne mais à un goût très sûr pour ces collisions bienheureuses, ces compagnonnages impromptus qui sont ceux des plus troublants cabinets de curiosités. Et à travers leur collection, l’artiste rend hommage à ces « outsiders chimiquement purs » que sont les collectionneurs ; certains plus ou moins connus (Le-Tan lui-même, Alain Weil, Gilles Dufour, Pierre Rosenberg ou Boris Kochno), d’autres pas ou plus du tout (qui se souvient de la princesse de Brioni, de Ghislain Mouret ou de Peter Hinwood ?). Voilà des années que l’on n’avait pas retrouvé Pierre Le-Tan aussi maître de son art (sans doute depuis Epaves et débris sur la plage, Le Promeneur, 1993). Art du trait bien sûr, mais aussi dans la conduite du récit (les textes ici ne sont pas des légendes, mais servent à l’édification de petites mythologies personnelles), art dans lequel s’insinue sans cesse une sourde et bienvenue ironie. Dandysme ? Sans doute, mais par les temps qui courent, on ne s’en plaindra pas.

O. M.

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