27 AOÛT - ROMAN Italie

D'un côté, il y a la guerre. De l'autre, un pays en crise. Et au milieu la Méditerranée.

Margaret Mazzantini- Photo A. MOGGI/ROBERT LAFFONT

La guerre, c'est celle, civile, qui l'an dernier déchira la Libye. Celle qui confond villes et villages et champs de bataille, qui tue les pères et jette dans l'exil les mères et leurs enfants. Omar est mort, simple victime de s'être trouvé au mauvais endroit, au mauvais moment. Sa femme, Jamila, et son petit garçon, Farid, s'en vont. Ils traversent le désert qui sera pour eux comme un premier océan, et embarquent sur un bateau de fortune, avec la Sicile en guise de ligne d'horizon.

De l'autre côté de la mer donc, c'est l'Italie. Vito, 18 ans, y épuise sa jeunesse, sans cause et sans espoir. Il est né dans le "talon de la Botte", mais sa mère Angelina, avec laquelle il vit, a vu le jour et passé les onze premières années de sa vie dans cette Libye qui fut italienne avant que, en 1970, un trop bel apprenti dictateur du nom de Kadhafi n'en expulse ses ressortissants au nom du panarabisme. Vito apprend ainsi que l'on peut parfois être endeuillé de terres que l'on n'a pas foulées, de chagrins qui ne furent jamais siens... En attendant, il promène sur les plages son mal de vivre, ramassant çà et là des débris échoués sur le rivage, interdit d'être ailleurs et incapable de se sentir vraiment ici...

Margaret Mazzantini dit de son nouveau roman (le quatrième traduit en français), l'histoire de Farid, de Vito et de leur mère, qu'"il est né de la mer, l'unique, de [leur] "mare nostrum"". Cousin direct d'un de ses livres précédents, Venir au monde (Laffont, 2010), qui déplaçait son sens inné du tragique vers les montagnes bosniaques, c'est avant tout un conte arabe, dont il a la puissance d'évocation et la brièveté, c'est-à-dire un chant, une mélopée. Parmi les fées penchées sur l'écriture de Mazzantini, l'effet de sidération qu'elle procure, sans doute y a-t-il le Le Clézio de Désert, David Grossman ou Pasolini. A ces noms, l'auteure ajoute ceux des grandes tragédiennes du siècle écoulé, "la" Duras, "la" Morante, Ingeborg Bachmann... Mais la beauté cristalline de La mer, le matin, comme ourlé d'inquiétude, est bien la propriété singulière de Margaret Mazzantini. Si celle-ci s'avoue "amie de la sensation et ennemie résolue de la psychologie", on ne peut s'empêcher de penser que celle qui fut comédienne (elle forme avec son mari, l'acteur Sergio Castellitto, le couple le plus "trendy" du moment en Italie) avant de s'accepter romancière a gardé de son interprétation d'Antigone le sens, et peut-être le goût, du tragique. Ce livre, sur lequel pèsent les ombres de l'angoisse et du mouvement, en est la plus éclatante des démonstrations.

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