Franck Secondi est un garçon moderne. Agé de 39 ans, divorcé de Camille, il a un bon job : testeur aérien pour la société Skyscope. C’est-à-dire qu’il est payé pour voyager, essayer, noter, et faire des rapports superdétaillés qui conditionneront l’attribution d’étoiles aux compagnies aériennes. Il a un rêve : devenir auditeur senior, afin de ne plus tester que les classes affaires ou les premières. Sinon, c’est un "gros crétin", sans culture ni consistance, un frimeur macho dont Horace, son meilleur pote, se charge de dégonfler l’ego durant leurs dîners entre deux vols.
Voilà la situation de départ qu’a choisie Hugo Ehrhard pour son premier roman, L’automne des incompris. Il lui a fallu ensuite inventer un événement, pour faire décoller l’histoire. Au cours d’un Singapour-Shanghai, Franck fait la connaissance de Kirsten Van Heuren, une Hollandaise volante, businesswoman aussi prétentieuse que séduisante. Bizarrement, l’attirance est réciproque. Ils se revoient à Rome, où ils croisent Ryan Gosling dans un resto chic, et à Dubai, pour un gala de stars. Après quoi Kirsten disparaît, enjoignant son amant de ne jamais chercher à la retrouver : danger. Lui, ruiné, licencié pour cause de rapports sabotés, comprend que la femme de sa vie est partie pour le Vorukhstan, une province sécessionniste du Kirghizistan, qui vient de se proclamer "République humaniste indépendante", fondée par des "extrémistes intellectuels". Le nouvel Etat est ouvert à tous, à condition de satisfaire à un examen de culture générale devant un inspecteur des douanes. En cas de succès, c’est le paradis synthétique assuré, loin du fracas du monde. En cas d’échec, la mort sous 24 heures.
Franck, bien sûr, fou d’amour, s’empresse d’aller rejoindre sa belle. Passe l’oral, et se fait coller sur Don Quichotte, qu’il prétend avoir lu. Le voici emprisonné en attendant son exécution. Kirsten, appelée au secours, parviendra-t-elle à le sauver ?
Construit très cinématographiquement à l’aide d’un long flash-back, écrit avec vivacité, L’automne des incompris fait preuve d’une belle maîtrise, au service de l’imagination débridée de l’auteur et de son sens de la satire. Ce premier roman peut se lire comme une charge féroce contre la société contemporaine, ses rouages absurdes, son flicage généralisé, sa culture de l’exclusion, son élitisme de bazar… J.-C. P.