Avant-critique Essais

Thomas Hobbes, William Cavendish, "Discours sur l'histoire" (Gallimard)

Frontispice du Léviathan de Thomas Hobbes, gravure d'Abraham Bosse. - Photo Leemage via AFP - ©Bianchetti/Leemage

Thomas Hobbes, William Cavendish, "Discours sur l'histoire" (Gallimard)

Ces essais de jeunesse inédits de Thomas Hobbes, écrits avec son ancien élève William Cavendish, éclairent sur la vision du philosophe politique anglais.

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Par Sean Rose
Créé le 28.02.2024 à 09h00

Avant le Léviathan. Le nom de Thomas Hobbes est associé à son grand œuvre de philosophie politique Léviathan (1651). À l'instar de Machiavel, le philosophe anglais est l'un des penseurs modernes de la souveraineté. Déjà citée dans De cive (1642), sa célèbre formule « guerre de tous contre tous » est reprise dans ledit magnum opus, résumant assez bien la vision hobbesienne. Une conception matérialiste et pessimiste de la nature humaine : l'homme étant un loup pour l'homme, les citoyens doivent consentir à un État puissant capable de protéger chacun des volontés particulières promptes à s'affronter dans une guerre civile dévastatrice du bien commun. Même si la loi naturelle a pour but la préservation de la vie, sans loi civile (le droit comme pierre angulaire de la stabilité), la paix, au vu de l'avidité des hommes, est loin d'être garantie. Ainsi s'établit un contrat entre les sujets et le souverain, où les premiers renoncent à leur liberté afin que le second, prince ou entité collective incarnant la souveraineté, permette le passage de l'état de nature à l'état civil et assure la sécurité de tous.

En 1620 paraît anonymement le recueil d'essais Horae subsecivae. Deux de ces écrits de jeunesse - « Sur le commencement de Tacite » et « De la lecture de l'histoire » - sont ici traduits et édités par deux spécialistes de la philosophie hobbesienne, Jauffrey Berthier et Nicolas Dubos. Fruit d'un dialogue nourri entre Hobbes et le fils du comte de Devonshire, William Cavendish, dont il fut le tuteur, et réunis sous le titre Discours sur l'histoire, ces textes offrent une introduction éclairante à la pensée politique en gestation du futur auteur du Léviathan. C'est « Hobbes avant Hobbes » pour reprendre le titre de la présentation du volume par les éditeurs. La modernité de Hobbes tient à ce que, nonobstant son respect vis-à-vis de l'historiographie classique (Thucydide, Tacite), il sait en tirer une matière à réflexion qui concerne son époque (le règne des Stuarts, les dissensions entre le monarque et le parlement) et dont il forge dans le même temps des principes généraux. Il lit Tacite et souligne, avec l'auteur latin, ce qui ne va pas dans la République : quand le peuple a le choix mais sans la puissance réelle exercée par l'élite, tel régime ne peut qu'engendrer ire et conflit. Hobbes va développer sa propre théorie et reprendra l'idée tacitienne en creux d'une souveraineté qui transcende le peuple... Sans invoquer les vertus stoïciennes ni quelconque fondement métaphysique. Car même s'il se professe chrétien, Hobbes croit plus au contrat social qu'à la justification divine.

Thomas Hobbes, William Cavendish
Discours sur l’histoire
Gallimard
Tirage: 6 000 ex.
Prix: 8,30 € ; 272 p.
ISBN: 9782073040688

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