Né dans la Creuse il y a cinquante ans et installé au Québec depuis 1988, Max Férandon est marqué par ces deux héritages. Dans ce Lundi sans bruit, deuxième roman après Monsieur Ho (Carnets Nord, 2013), sa langue fleurie, riche en patronymes terriens et mots-valises - "les enrizons, mélange d’horizon et d’environs" - porte son goût pour les images et les sons.
Saint-Priest-la-Brume, "un petit coin de Creuse" à l’écart des transhumances touristiques, accueille deux histoires reliées à soixante ans d’intervalle. Alors que "la mémoire du village repose presque toute au cimetière", la mère Marcellin, 90 ans, compte parmi les rares habitants qui se souviennent de cette "époque appelée "la guerre"", fait partie des derniers à avoir connu ce lundi 23 août 1943, ce garçon de 10 ans arrivé d’Alsace, ce capitaine allemand de l’armée d’occupation amateur de cartographie et d’origamis, et "Le théâtre perdu-spectacle de mime", le spectacle ambulant d’Armand Prunier… Dans un premier acte contemporain, Max Férandon fait jouer sur cette scène rurale une distribution de locaux : Amédée, le scieur qui souffre de "lundinite aiguë", employé de Goguenard, un magouilleur impliqué dans une affaire de tableau volé et recherché par les deux frères Crasimir, "anciens athlètes olympiques d’haltérophilie bulgare reconvertis dans le crime à l’épaulé-jeté". Voilà aussi Fredo, le voleur de berlines, "l’homme qui murmurait à l’oreille des voitures", la "douce et poitrinante Ginette", cuisinière à l’hôtel du village, l’épouse de Goguenard et son amant, charcutier itinérant…
Arnaque, méprise, filature en bibliobus…, le roman prend au début des allures de film de gangsters un peu grand-guignolesque avant de rembobiner sur "un petit coin de passé" plus tragique. V. R.