Depuis le 1er mars, Tatyana Franck dirige l’Alliance française (Fiaf) de New-York, organisation non gouvernementale qui met en avant la culture française à travers sa programmation, ses soixante-dix professeurs de français ou encore sa bibliothèque de 27 000 livres et de 250 000 documents numériques. Formée en histoire de l’art, en droit et en management, en en France, New-York, Londres et Hong-Kong, la trentenaire présente son ambition pour cette institution qui compte 10 000 membres.
Livres Hebdo : Quel est votre programme ?
Tatyana Franck : Poursuivre le travail de Marie-Monique Steckel en plaçant cette institution dans un contexte à la fois local et international. J’aimerais l’ouvrir davantage à la francophonie : la Suisse, la Belgique, le Canada, les pays francophones d’Afrique et les îles.
Et profiter du réseau de plus de 800 Alliances françaises dans le monde ainsi que du dynamisme de New-York, où s’ouvrent notamment de nombreuses galeries d’art françaises.
La programmation de la Fiaf accorde une place importante au cinéma. Et le livre ?
J’aimerais le mettre plus en avant ! Nous allons échanger avec les équipes, car la programmation est une co-construction. Je suis arrivée il y a trois semaines et travaille d’abord à rencontrer et à connaître la soixantaine de personnes qui travaillent ici - des cadres aux personnes à l’accueil ou qui nettoient, chaque personne a son rôle à jouer et participe à l’énergie commune.
L’équipe dirigeante est composée de huit femmes et d’un seul homme. Qui les choisit ?
Ma prédécesseuse a placé beaucoup de femmes à des postes de cadres et c’est formidable. Aujourd’hui, mon critère de recrutement ne prend pas en compte ni le genre ni l’âge, mais la capacité à apprendre rapidement.
Claude Picasso m’a confié la gestion de la collection de son père quand j’avais 22 ans, et j’en avais 30 lorsque je suis devenue la directrice du Musée de l’Elysée, à Lausanne, alors que je n’avais jamais dirigé ni musée ni équipes. Le message que je veux faire passer aux femmes : postulez aux postes de responsabilité, même si vous n’avez pas toutes les compétences.
Qu’apporte votre parcours professionnel à la Fiaf ?
Je me sens l’âme d’une entrepreneuse qui emmène les institutions plus loin. J’ai valorisé l'œuvre de Picasso jusqu’en Asie et en Amérique latine. Quand il y a eu des tensions entre la France et le Mexique pour l’affaire Florence Cassez, nous avons monté une exposition sur Picasso en quatre mois, quand il faut habituellement quatre ans !
Pour le Musée de l’Elysée, j’ai réussi à aller chercher des publics plus jeunes et ai conduit la construction de son nouveau bâtiment, dans un pôle regroupant aussi le Musée cantonal des beaux-arts (MCBA) et le Musée de design et d'arts appliqués contemporains (Mudac). Un chantier à presque 180 millions d’euros.
J’aimerais exploiter tout le potentiel de la Fiaf, construire des projets ambitieux dans une ville en plein renouveau post-Covid.
Au fond, à quoi sert le soft power ?
La culture et l’éducation dans un monde en perte de repères sont fondamentales pour faire des choix éclairés, face à la désinformation. La Fiaf est un endroit où des artistes peuvent s’exprimer librement et des professeurs enseigner l’histoire française, ce qui permet de comprendre l’actualité et d’apprendre à penser le monde. L’art est ce qui nous révèle à nous-mêmes, c’est le reflet de notre identité.