"Excellent", "très bon", "meilleur encore que l’an passé". Jugé avec enthousiasme par de nombreux libraires, l’été 2015 semble vouloir confirmer la reprise engagée depuis le début de l’année. "Avec une croissance des ventes de 5 % en juillet et en août, nous sommes exactement dans la lignée du premier semestre", se félicite Rémy Ehlinger (Coiffard à Nantes). "Nous avons augmenté notre chiffre d’affaires de 10 % en juillet et en août, grâce à la hausse de la fréquentation et du panier moyen", annonce Stéphane Vernisse, gérant de la jeune librairie Le Square à Lourdes. Relativisant les progressions de son activité dans la mesure où "elles permettent seulement de retrouver les niveaux d’il y a cinq ans, avant la crise", Laurent Dinsenmeyer, cogérant de Gwalarn à Lannion, n’en est pas moins satisfait de son été avec, en juillet, une augmentation de 7 % des ventes. Du côté des grandes surfaces culturelles et en particulier chez Cultura, Eric Lafraise, chef de produit livre, se félicite également de l’activité estivale "qui vient prolonger celle du premier semestre".
Progression quasi continue
Dans ce contexte, les premières statistiques de l’été confirment la bonne tenue du marché. Notre baromètre mensuel Livres Hebdo/I+C affiche ainsi, pour juillet, une croissance des ventes de livres au détail de 1,5 %. Bien que modérée, cette progression n’en est pas moins appréciable puisqu’elle fait suite à une série de hausses quasi continues depuis le début de l’année : + 5,5 % en janvier, + 3,5 % en février, + 4 % en mars, + 3 % en avril, - 1,5 % en mai et + 7 % en juin, et succède à un bon été 2014 (+ 2 % en juillet et +1,5 % en août selon les chiffres de notre baromètre il y a un an).
A La Librairie générale à Arcachon, François Boyer estime que l’activité a profité d’une hausse de fréquentation du magasin, "peut-être parce que les vacanciers sont davantage restés en France cette année", mais elle a aussi été fortement amplifiée à partir du 28 juillet par la sortie du nouvel opus de la saga Cinquante nuances de Grey, le best-seller de E. L. James. Désireux de croire à une sortie de la crise économique, Olivier Augier (Arts & livres à Grasse) attribue ses bonnes performances à la qualité de la production depuis le début de l’année. La période estivale est en effet propice aux remises en avant des coups de cœur des libraires. A Nantes, ville de plus en plus touristique, Rémy Ehlinger profite du renouvellement de sa clientèle avec la venue des estivants pour relancer les ventes des titres les plus appréciés. Ainsi, Toute la lumière que nous ne pouvons voir d’Anthony Doerr (Albin Michel), ouvrage paru en avril, s’est retrouvé numéro deux de ses ventes en juillet, classé entre les volumes 1 et 2 de L’Arabe du futur de Riad Sattouf.
Comme le veut la saison, le roman et en particulier en poche a été à l’honneur. Surfant sur le succès de sa première édition l’an passé, Le Camion qui livre, opération lancée par Le Livre de poche en partenariat avec des libraires des stations balnéaires, a étoffé sa tournée avec vingt étapes programmées sur six semaines et la mise en place de nouvelles animations, dont des ateliers d’écriture tenus par des auteurs. Résultat, selon Véronique Cardi, directrice générale du Livre de poche, "un chiffre d’affaires doublé par rapport à l’an dernier et porté à 100 000 euros".
Si l’été 2015 a également été marqué par le lancement de la manifestation nationale Lire en short, organisée du 17 au 31 juillet, les librairies n’y ont en revanche participé que de manière très discrète et sans réel retour de bénéfices. A Fécamp, ville élue avec quelques autres scène nationale de l’opération, Clémence Lombard, responsable communication du Chat pitre, ne cache pas que les retombées financières "n’ont pas été énormes. Par contre, c’était bien pour l’image et la visibilité de notre librairie."
Amazon en hausse et en baisse
Du côté des fournisseurs, l’été est aussi jugé satisfaisant, avec des appréciations qui peuvent diverger selon les canaux de distribution. Evoquant un bon été, dans le prolongement du premier semestre, Catherine Heude (chef des ventes chez Actes Sud Diffusion) annonce "à la fin de juillet, en cumul sur sept mois, des progressions de 5 % pour les librairies traditionnelles et de 13 % pour les enseignes… mais une baisse pour Internet, avec une chute de 11 % pour Amazon". En revanche, chez Gallimard, où Jean-Charles Grunstein, directeur commercial de la branche littérature, fait état de résultats meilleurs que prévu en juillet et en août, "Internet et en particulier Amazon sont à la fin de juillet au-dessus du marché. Il faut rester prudents sur les soi-disant contre-performances du leader des ventes en ligne". Il convient de relativiser ces dernières sachant que, à côté de l’achat de livres neufs auprès de la chaîne du livre, Amazon a développé son propre circuit d’approvisionnement de livres d’occasion… dont les nouveautés ne sont pas exclues, comme en témoigne la présence, déjà, de livres de cette rentrée littéraire.
Des mises en place précoces
Désireux de croire à l’embellie générale durable, les libraires abordent la rentrée avec confiance. Certains, à l’instar de Valérie Broutin (L’Horizon à Boulogne-sur-Mer), ont même décidé de gonfler leurs mises en place. ""J’ai pris le parti d’augmenter le nombre de volumes sur certains titres, observe la libraire boulonnaise. Par exemple, pour Funny girl de Nick Hornby, j’ai doublé les quantités habituelles et pris tout de suite dix exemplaires." Pour beaucoup, comme Philippe Touron (Le Divan, Paris 15e), l’élément marquant de ce début de rentrée littéraire est la précocité des mises en place. La littérature étrangère est arrivée en même temps que la française, dès le 19 août. Du coup, les mises en place sont d’entrée de jeu massives et permettent des mises en scène valorisantes avec, déjà, des vitrines dédiées aux nouveautés.