Après un premier roman, Confidences à Allah (Léo Scheer), un best-seller couronné par le prix Nice Baies des Anges 2008 et adapté au théâtre, puis un autre, Mon père est femme de ménage (même éditeur) qu’elle réalise au cinéma, Saphia Azzeddine poursuit sa voie de romancière-scénariste avec autant de niaque et un sens de la satire sociale bien trempé… Dans Combien veux-tu m’épouser ?, on troque le système D du périurbain morose contre une plage privée aux Seychelles. Tatiana, nunuche sentimentale abreuvée d’histoires à l’eau rose, rencontre un apollon anglo-saxon prénommé Philip qui correspond à tous les canons de la virilité selon les magazines de papier glacé et les émissions américaines de télé-réalité : « ce genre de beauté qui met tout le monde d’accord, comme ce visage qui apparaît quand on s’amuse à combiner les plus belles gueules d’Hollywood ». Rencontre fortuite, sous-marine pour plus de cocasserie, comme les romances les aiment, ledit Philip rentre dans notre héroïne avec son masque et son tuba et se confond en excuses… Aujourd’hui, la fleur bleue enamourée se marie. Ainsi commence le conte de fées. Par la fin. Car Saphia Azzeddine, à qui on ne la lui fait justement pas à l’envers, adore renverser les situations afin d’émanciper ses personnages de leur déterminisme… Comme dans Un mariage de Robert Altman, malgré les filles d’honneur, la pièce montée, l’organisateur de mariage professionnel…, le jeu de massacre s’annonce. Croquant avec une vivifiante acidité les protagonistes de cette mascarade sociale, l’écrivaine dresse une galerie de portraits qui va de la meilleure copine à la femme de ménage en passant par la sœur qui a déjà l’air de fort apprécier son futur beau-frère… Dès les premières pages, le « butler » de Tatiana l’informe sur un ton badin que Philip devait accompagner, avant qu’elle n’annule le voyage « pour raisons de santé » (une opération chirurgicale qui a mal tourné), la célèbre Crochelle Rupstein. Renseignements pris sur Internet, la richissime veuve d’un industriel anglais a soixante printemps bien tapés.
S. J. R.