Anatomie d'une guerre. Deux ans après le déclenchement de la guerre en Ukraine, de nombreux ouvrages reviennent sur ce conflit. Parmi les témoignages (Opération spéciale de Paul Gogo, Le Rocher, 7 février ; La liberté ou la mort d'Arsène Sabanieev, Robert Laffont, 8 février ; Lettres d'amour et de guerre de Pavlo et Viktoriya Matyusha, L'Iconoclaste, 15 février) et les analyses (La guerre permanente de Marie Mendras, Calmann-Lévy, 21 février ; La guerre en Ukraine de Jacques Hogard, Hugo Doc, 28 février ; Un si long mois de février de Clara Marchaud, Plein Jour, 1er mars), le livre de Sergueï Medvedev se distingue par sa double approche personnelle et historique. Ce politologue russe exilé, professeur à l'université lettone Brīvā universitāte, dégage une stratégie dans la folie guerrière constituée par « le plus sanguinaire carnage qu'ait connu l'Europe depuis la Seconde Guerre mondiale ».
Medvedev met en évidence la brutalité comme fonction essentielle de l'État russe pour se maintenir. Ce fut le cas chez les tsars comme chez les bolcheviks. Il en résulte une guerre à la fois contre sa population et contre le monde extérieur. Doit-on alors parler de la Russie de Poutine ou du Poutine de la Russie tant le successeur d'Eltsine incarne la société russe et son histoire avec sa violence endémique ? « Poutine a rendu à la Russie l'un de ses principaux archétypes : la guerre. » Dans les faits comme dans le langage, jusque dans les images de la vie quotidienne. Medvedev compare son pays à la Corée du Nord. La guerre en Ukraine est une reconstitution du passé, en grandeur réelle, avec ses souffrances et ses morts par milliers, un conflit que Poutine, au nom de l'histoire, a fait passer pour une évidence auprès de la population. Dans une Russie qui, faute de paix et de stabilité intérieure, « s'est spécialisée dans la création de risques » pour intimider et déstabiliser ceux qu'elle considère comme ses ennemis. « La guerre en Ukraine n'est que la continuation de la Seconde Guerre mondiale restée inachevée. » L'auteur des Quatre guerres de Poutine (Buchet Chastel, 2020) nous raconte cette cinquième. La dernière peut-être, mais sans doute pas l'ultime manifestation d'un jeu politique délétère qui tente de ralentir la décomposition d'un empire de plus en plus éclaté. D'où cette guerre sans but, « une guerre made in Russia ».
Une guerre made in Russia
Buchet Chastel
Tirage: 1 800 EX.
Prix: 22,50 € ; 224 p.
ISBN: 9782283039274