Un clin d'oeil à La planète des singes, avec le très efficace robot-gorille qui sert de... gorille au personnage principal. D'autres à 2001, l'odyssée de l'espace, à La guerre des étoiles ou encore à la série BD de Jean-Claude Forest et Paul Gillon, Les naufragés du temps, à Druillet et à Moebius... Frederik Peeters assume sans complexes ses références. Il a d'ailleurs attribué à son héros le prénom de Verloc, pioché dans L'agent secret de Joseph Conrad ou retrouvé par ricochet chez Hitchcock ou le musicien Philip Glass (Verloc and the Russian Embassy), et celui de Conrad au frère d'icelui. Mais si l'auteur suisse des Pilules bleues, de Lupus et de Pachyderme a visiblement tout lu, vu et entendu de la science-fiction de l'après-Mai 68, il l'a aussi digéré pour mieux renouer, dans le contexte du XXIe siècle, avec une SF percutante, socialement, politiquement et esthétiquement ambitieuse.
Dans le premier volume de ce qui s'annonce comme une série, Verloc s'éveille plus ou moins amnésique sur la planète Ona (ji), seul avec un robot-gorille surpuissant à l'intelligence fine, répondant au nom de Churchill et, bien sûr, gros fumeur de cigares. Tout en le conduisant vers une étrange "colonie", celui-ci l'incite à relire son journal pour reconstituer les événements de la semaine écoulée. Huit jours plus tôt en effet, Verloc n'était plus qu'une épave à l'esprit embrumé par le "shia". Quitté par sa femme, éloigné de sa fille muette, il s'était aussi fait dévaliser la librairie héritée de son père. Son frère perdu de vue l'a alors croisé et entraîné dans une intrigante mission de récupération d'une substance rare et mystérieuse, l'aâma, qui donne son nom à la série, sur la planète Ona (ji).
L'expédition va se révéler compliquée. Elle va surtout donner l'occasion à Frederik Peeters d'interroger l'évolution d'une société hypertechnologique, de réfléchir à la manipulation du corps humain et aux mutations des relations sociales. Un projet qu'il magnifie par des planches aux couleurs soignées, d'une grande profondeur mélancolique.
