Belle rencontre avec Robert Darnton à l’Ecole des Mines, le 7 janvier dernier, à l’invitation d’Olivier Bomsel, dans le cadre du séminaire sur « Les protocoles éditoriaux ». Délicieuse simplicité d’un grand esprit, ponctuant son propos de «  si j’ai bien compris  », «  je crois  », ou «  je ne sais pas  ». Darnton rappela que publier, c’est rendre public. Le libelle, le traité de paix entre la France et l’Autriche simplement déclamé sur les places de Paris, participent du travail de publication. Darnton évoqua la continuité entre les différentes formes de la publication, qui va à présent du blog au livre papier, et qui se résume au fait de rendre public un texte de fiction, quelques réflexions, des critiques acerbes, ou des idées plus structurées. Au sein de l’étonnante palette des publications possibles, la fonction éditoriale demeure entière : trier, éditer, au sens du travail sur le texte, du soutien à l’auteur, de la mise en forme du produit, de l’organisation de sa mise à la disposition du public. Du point de vue de l’économiste, les questions affluent. Comment cerner cette fonction de l’éditeur dès lors que l’on s’acheminerait sans transition du blog qui constitue une écriture immédiate, qui s’adresse directement à son lecteur auquel il est proposé d’entamer une conversation numérique, vers le livre, produit fini du travail conjoint de l’auteur et l’éditeur, qui apporte son savoir faire ? La chaîne du livre, qui est une chaîne de valeur permettant d’apposer un prix sur une offre clairement identifiée, se trouve déconstruite par toute une série de mises en question. L’auteur est bousculé, en quelque sorte, par le lecteur. Les textes affluent jusqu’au point où la rareté se déplace de l’offre vers le lectorat. Le droit d’auteur est dénié par le blogueur qui n’a rien signé à personne, et la notoriété transite par des chemins jusqu’alors ignorés.   On vivra sans doute longtemps encore dans l’ordre des livres sagement posés sur la table du libraire, fût-elle virtuelle, et, à l’autre bout du spectre des textes publiés, dans le désordre d’un monde parsemé d’écrits aux formes et aux contenus si foisonnants qu’on a parfois envie de les fuir. La tablette que l’on peut « charger » chez son libraire semble concilier les contraires. Le conseil   en « réel » et le virtuel, un texte édité, éventuellement « augmenté » ; on retrouve cette chaine de valeur qui va de l’auteur à l’éditeur puis au lecteur, on retrouve l’intermédiation à laquelle on est habitué, et le monde n’a pas tout à fait changé.   Mais pour combien de temps ?
15.10 2013

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