Les silhouettes en carton de femmes de la Belle Epoque pour la sortie des Cocottes, reines du Paris 1900, Parigramme, à la librairie La Belle Lurette, Paris. - Photo OLIVIER DION
A quoi sert la PLV ?
Intrusive et dévoreuse d'espace, la promotion sur le lieu de vente n'a pas la cote chez les libraires. Sauf quand elle apporte un plus à la déco du magasin ou qu'elle met en scène habilement une collection ou un ouvrage.
Par
Clarisse Normand Créé le
28.10.2014
à 17h36, Mis à jour le 03.04.2022 à 17h48
A l'approche des fêtes de fin d'année, certains éditeurs n'hésitent pas à faire preuve d'imagination pour occuper le terrain en magasin. Milan propose depuis peu un gros canard gonflable pour ses "livres de bain", Larousse un frigidaire pour ses "livres-recettes"... Mais toute l'année les libraires sont invités à utiliser du matériel de promotion sur leur lieu de vente (PLV), sous la forme plus traditionnelle d'affiches, kakémonos, arrêts de piles, box, totems, présentoirs, colonnes, ou encore tourniquets. Devant une telle profusion, beaucoup éprouvent un certain malaise. Ils mesurent le gâchis. "On n'utilise que 10 % des présentoirs que l'on reçoit, et on jette systématiquement les arrêts de piles », annonce Gonzague Steenkiste (Le Bateau livre, Lille), d'autant plus agacé que c'est au libraire d'en payer le port. "De tout le matériel que l'on nous envoie, plus de la moitié passe à la poubelle. Et quand on reçoit des choses volumineuses que l'on ne peut pas découper, il nous faut appeler les encombrants pour nous en débarrasser ! » grince Sylvie Maillet (Fontaine, Paris). "Si on prend une certaine quantité d'un titre, on reçoit automatiquement du matériel de présentation, même si on n'en a pas l'utilité, observe Maya Flandin (Vivement dimanche, Lyon). C'est de l'argent gaspillé qui serait mieux utilisé dans l'augmentation de nos remises ! » Clairement, la PLV agace. "Trop encombrante », "mal adaptée à la taille de nos magasins », "peu cohérente avec notre identité », "de mauvaise qualité », "chronophage en manutention » et surtout "génératrice de mises en place forcées », les critiques ne manquent pas. En particulier chez les libraires de second niveau, qui se sentent plus exposés aux pressions. Dans les grandes librairies de premier niveau, beaucoup ont depuis longtemps fait comprendre qu'elles ne veulent pas recevoir de PLV quand elles n'en ont pas demandé. "Je considère que le libraire doit rester maître de son assortiment et de sa présentation, explique Serge Wanstok (La Galerne, Le Havre). En plus, lorsque les livres sont portés par les présentoirs des éditeurs, on se questionne moins et on laisse traîner des titres qui ne devraient plus être là. »
L'Afrique de Zigomar, mobile de plafond de L'Ecole des loisirs.- Photo OLIVIER DION
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Pourtant, si les éditeurs continuent à recourir à la PLV (voir encadrés), c'est parce que cette technique marketing a une vraie raison d'être. Pour mieux convaincre les libraires de jouer l'effet de masse, ils accordent d'ailleurs des conditions commerciales bonifiées, soit en général deux points de surremise et/ou 60 jours d'échéance supplémentaires ainsi qu'une faculté de retour intégral. Pour eux, l'enjeu est important, car la PLV s'inscrit dans un dispositif de communication. "Pour être efficace, une campagne de publicité grand public a besoin d'un relais en magasin. Sans le soutien de la PLV, elle tomberait à plat » explique François Chasseré, directeur commercial et marketing chez Belfond-Presses de la Cité... A sa façon, Véronique Ferrandez (directrice marketing d'Univers poche) confirme l'importance de la théâtralisation en rappelant que "la moitié des clients qui entrent en librairie ne savent pas quels livres ils vont acheter ».
Le camion de pompiers des éditions Milan à la librairie Chantelivre à Paris.- Photo OLIVIER DION
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Les libraires eux-mêmes, derrière tous les reproches qu'ils lui adressent, reconnaissent à la PLV certaines vertus. "C'est indubitablement un bon accélérateur de ventes, estime Sophie Haïk (Librairie des enfants, Paris). Des études ont montré qu'un produit, quel qu'il soit, quand il est théâtralisé, voit ses ventes augmenter de 30 à 50 %. Le livre n'échappe pas à la règle... Il ne faut pas avoir peur du marketing ! » D'ailleurs, ce sont parfois les libraires eux-mêmes qui réclament du matériel. "Pour une grosse sortie, du type Titeuf, nous avons intérêt à nous affirmer face à la grande distribution et à montrer que, nous aussi, nous avons le livre", reconnaît Serge Wanstok.
Si 80 % de la PLV concerne les nouveautés, les libraires sont assez réceptifs à la possibilité de travailler des collections entières et de dynamiser le fonds, en particulier dans le poche avec des tourniquets rassemblant un grand nombre de titres d'une même collection. Mais la PLV a aussi une utilité pratique. Certains livres dont le format est atypique (parascolaire, petits livres-objets) nécessitent des meubles adaptés pour exister. Encore faut-il que ces derniers soient bien placés. "Lorsque nous avons reçu le présentoir du label Point Deux, nous l'avons installé avec les poches, explique Coline Hugel (La Colline aux livres, Bergerac). Les gens regardaient, mais il ne se passait rien. Depuis que nous l'avons installé à l'entrée, à côté des cartes postales, les ventes ont décollé. » D'une manière générale, la zone des caisses apparaît aussi comme un bon emplacement pour la PLV de livres relevant d'achat d'impulsion. Ainsi Anne-Sophie Thuard (Thuard, Le Mans) observe qu'après avoir déménagé le tourniquet de la collection "Nous les enfants de 19.. : de la naissance à l'âge adulte" (Wartberg) au rez-de-chaussée près des caisses, les ventes ont atteint entre 5 et 10 exemplaires par jour alors que, sur le premier emplacement, au rayon histoire, elles étaient quasi nulles.
Attentive à ne pas brouiller l'image de sa librairie, Isabelle Leclerc (L'Imagigraphe, Paris) privilégie le matériel qui signale et valorise plutôt que celui qui crée un effet de masse. D'ailleurs, la PLV qui passe par des éléments de décoration trouve plus facilement sa place dans les librairies de petite et moyenne tailles. "C'est un moyen d'animer notre point de vente, d'y créer une atmosphère ou des univers » estime Isabelle Colin (Quai des mots, Epinal). Si elle n'utilise guère de PLV à l'intérieur de sa librairie, faute de place, Laurence Noret (La Belle Lurette, Paris) reconnaît être intéressée par le matériel de décoration pour ses vitrines. Ainsi s'apprête-t-elle à installer les spectaculaires silhouettes en carton de femmes de la Belle Epoque proposées par Parigramme pour la sortie des Cocottes, reines du Paris 1900. Dans le secteur de la jeunesse, les initiatives retiennent aussi l'attention car elles témoignent souvent d'une certaine inventivité. Ainsi, en ce moment, trouve-t-on en librairie un loup en bois proposé par Auzou pour sa série réalisée par Orianne Lallemand et Eléonore Thuillier ou encore un mobile de plafond en forme de merle de L'Ecole des loisirs pour accompagner la sortie de L'Afrique de Zigomar de Philippe Corentin.
Dès lors que la PLV est bien conçue et qu'ils ont préalablement réfléchi à la façon dont ils pouvaient l'utiliser dans leur magasin, les libraires lui reconnaissent une vraie efficacité. Malheureusement, beaucoup ont le sentiment, notamment en second niveau, de ne pas être suffisamment écoutés. Selon Coline Hugel, "il faudrait que les éditeurs prennent le temps de bien cerner nos besoins pour concevoir du matériel qui nous convienne vraiment ». Pour les éléments de mobilier, les demandes évoluent autour des mêmes critères : un matériel peu encombrant, de qualité, qui se place à hauteur d'yeux, et si possible dans des matériaux qui durent, comme le bois ou le fer... Affirmant faire des efforts pour réduire la place qu'occupe la PLV au sol, les éditeurs ont en parallèle développé, depuis quelques années, la CLV, communication sur le lieu de vente, qui passe par la distribution aux clients de petits extraits de livres, cartes postales, marque-pages, sacs, "des petites choses que les gens rapportent chez eux et peuvent garder », précise Coline Hugel, qui ne cache pas sa préférence pour la CLV.
Mais ce sont surtout les nouvelles technologies, encore peu utilisées, qui devraient apporter des innovations intéressantes dans le domaine de la PLV, avec notamment l'intégration de flashcodes renvoyant sur diverses sources d'informations et de promotion ou l'installation d'écrans vidéo proposant des interviews ou permettant des échanges via skype avec un auteur, comme s'apprête à l'expérimenter L'Ecole des loisirs avec son nouveau Square qui ouvrira en novembre chez Payot à Lausanne (Suisse). Mais, dans ce domaine, les réflexions vont bon train.
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Par
Élodie Carreira
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