19 mai > Essai France

Ces récits, ce sont les manuels des civilisations, les grands textes dans lesquels les littératures ont puisé, et d’où elles sont sorties. L’épopée de Gilgamesh, L’iliade, L’odyssée, L’énéide, le Mahabharata, La chanson de Roland, Le kalevala, Le dit des Heiké, Leslusiades ou Les trois royaumes font entendre une musique profonde, issue des temps immémoriaux où l’histoire se confond avec la légende, et la religion avec la sagesse. Comme le dit bien Gérard Chaliand, on y trouve le savoir-vivre et le savoir-mourir d’un groupe, sa manière de se comporter dans l’adversité et d’envisager sa sauvegarde. Car c’est bien d’identité culturelle qu’il s’agit dans les aventures de David de Sassoun pour l’Arménie ou dans la saga d’Erik le Rouge pour l’Islande.

C’est de ce Temps des héros que sont sortis aussi les super-héros, ces légendes contemporaines, urbaines et américaines qui représentent une sorte de syncrétisme mondialisé nourri par la confusion des genres. Dans ce volume, nous retrouvons les originaux, à chaque fois succinctement présentés. L’épopée, ce "genre des commencements", raconte la lutte contre la fin, c’est-à-dire le chaos. Pour résister à cela, tous les fragments de ces récits fondateurs font appel à des guerriers appliqués qui s’engagent totalement dans un combat, souvent au péril de leur vie.

Comme le constate encore Gérard Chaliand, cet éminent spécialiste de géopolitique et des conflits irréguliers, la plupart de ces textes n’étaient pas connus, car non traduits en dehors de leur pays d’origine il y a encore un siècle. Sur plus de trois millénaires d’aventures, on retrouve des similitudes, ne serait-ce que dans la lutte du Bien contre le Mal. Seules les méthodes diffèrent pour cela. Mais il y a toujours un appel à la magie, à la bonne fortune, à quelque chose qui dépasse ces personnages masculins ; les femmes incarnant l’avenir à préserver.

Gérard Chaliand a mis beaucoup de lui dans ce florilège : ses origines arméniennes, ses passions de jeunesse, ses engagements politiques auprès des peuples qui se battent pour leur liberté, un peu de la mémoire du monde aussi. "Peut-être ces récits, du fait que j’ai grandi durant la Seconde Guerre mondiale, avec ses alertes, ses bombardements et l’aura, vers la fin, des résistants et les combats de rue, au Quartier latin, où j’habitais, ont-ils contribué, partiellement au moins, à mes engagements physiques dans les luttes de ce qu’on appelait le "tiers-monde"." Il rappelle surtout que le courage est une vertu sans âge.

L. L.

Les dernières
actualités