Pour tenter d'alléger le poids de sa fragilité économique, la librairie cherche en permanence à obtenir de meilleures conditions commerciales. En premier lieu, sur les remises. « Le nerf de la guerre », selon Cécile Bory, directrice de la librairie Georges à Talence et présidente de l'association Librairies indépendantes en Nouvelle Aquitaine (Lina). « La librairie peut certes négocier les remises mais nous sommes 3 000 libraires contre une dizaine de fournisseurs qui font la pluie et le beau temps sur notre activité : c'est l'histoire du pot de fer et du pot de terre », estime Frédéric Beauvisage, gérant de Cap Nord à Arras et président de l'association Les libraires d'en haut.
Point central de l'économie des librairies, les remises sont fixées par les fournisseurs et varient d'une maison à l'autre mais aussi d'une enseigne à l'autre. Un seuil minimal à 36 % serait indispensable pour garantir la pérennité des enseignes, dans de bonnes conditions financières, selon le Syndicat de la librairie française (SLF).
Portant depuis longtemps cette revendication, le SLF a salué dans un communiqué l'engagement pris en 2022 par Madrigall et Editis d'adopter cette remise minimale à 36 % tout en appelant les autres fournisseurs proposant encore des remises en deçà de ce seuil à « rejoindre le mouvement impulsé par Gallimard, Editis et porté antérieurement par d'autres partenaires historiques des librairies ».
Paiements échelonnés
Pour Olivier Pennaneac'h, chargé de l'économie du livre à l'agence régionale du livre Provence-Alpes-Côté d'Azur, la distribution peut également se mobiliser en « acceptant d'échelonner les paiements, avec des facilités en termes d'échéances ».
À ce sujet, plusieurs acteurs de la diffusion-distribution n'ont pas donné suite à nos sollicitations. De son côté, Harmonia Mundi assure « travailler principalement en amont » tout en étant « attentif à la gestion des échéances et les retours des librairies », selon son président-directeur général Benoît Coutaz. « Nous sommes susceptibles d'accepter, au cas par cas et à la hauteur de nos possibilités, de repousser des échéances ou d'avancer des crédits retours », poursuit-il tout en estimant ne pas posséder une « part de marché suffisante pour véritablement influer sur l'économie d'une librairie ». Même écho chez Pollen, dont le président-directeur général Benoît Vaillant souligne « volontiers décaler des échéances » par « solidarité » avec la librairie.
Coopération
Début juillet, Editis-Interforum a pour sa part annoncé la mise en place du crédit retours à 30 jours pour toutes les librairies, au lieu de 60 jours auparavant. « Cette mesure peut donner de l'oxygène à la trésorerie des librairies », assure Stéphane Vincent, directeur de la diffusion France du groupe. Il rappelle par ailleurs qu'Editis active un troisième levier commercial pour soutenir la librairie en appliquant « des sur-remises additionnelles, qui apportent un "vrai +2", quand d'autres fournisseurs optent pour des remises en cascade », soit un pourcentage de la remise et non du prix.

Pour Stéphane Vincent, le soutien d'Editis à la librairie, dont la « santé fragile est préoccupante », se manifeste aussi par un travail accru sur les réassorts. « Nous souhaitons que le réassort et le fonds deviennent la sève de la chaîne du livre et nous voulons développer le réassort en étant le plus réactif possible », explique-t-il.
Solidarité interprofessionnelle
Si la librairie attend principalement des gestes de la part de la diffusion-distribution, la bibliothèque peut, elle aussi, venir en soutien aux enseignes. La loi du 18 juin 2003 relative au droit de prêt en bibliothèque a modifié la loi Lang en plafonnant à 9 % les rabais accordés aux bibliothèques de prêt. Mais « l'ensemble des remises accordées aux collectivités pèsent sur les marges », pointe Frédéric Beauvisage.
En Bretagne, une enseigne a obtenu auprès de sa communauté de communes « un relèvement de cette remise à 5 % » après l'avoir « alertée sur l'impact de la remise à 9 % », relate Marie-Cécile Grimault, chargée de l'économie du livre à Livre et lecture en Bretagne. Soulignant une économie également compliquée pour les bibliothèques, elle voit cette mesure comme « une forme de solidarité » interprofessionnelle salutaire.