La jeune narratrice du quatrième roman de Cypora Petitjean-Cerf, Stracey Charles, a 11 ans, vit à Saint-Denis et vient d'entrer au collège. C'est une préadolescente déjà bien dessalée, vive, bonne élève, cruelle et armée d'une excellente mémoire. Et La belle année déroule quatre saisons du quotidien très décomposé-recomposé de cette petite fille en train de changer de catégorie.
Stracey habite un monde très united colors où toutes les cultures sont représentées, ou presque. Côté maternel, c'est la vie dans un pavillon avec jardin avec sa mère Elisabeth, d'origine portugaise, qui travaille chez un opticien et vit avec Takashi, un Japonais dont elle attend un enfant. Beau-père détesté comme il se doit, qui s'exprime dans un français laborieux et décore la porte des toilettes avec des posters d'Hokusai. Le dimanche, la famille va déjeuner chez la tante Fernanda et son mari Bernard, dit B., qui avec leurs deux enfants ont l'air d'une famille modèle.
Côté paternel, le tableau est plus glauque : le père Stéphane sans boulot, agoraphobe, ne sort plus de son appartement de la cité des Cosmonautes où il passe son temps à manger n'importe quoi. Sa mère, Mami Michèle, ogresse intrusive qui s'obstine à appeler son fils "girafon", l'entretient autant qu'elle le persécute.
La vie sociale de l'ado se joue entre pavillons et cités, collège et bibliobus dans un territoire-monde, avec la compagnie de Cosimo, le pote de toujours, et de Rabah avec qui c'est mal parti.
Cypora Petitjean-Cerf, découverte avec Le musée de la sirène, anime avec verve, fantaisie et rythme cette communauté mosaïque où les conflits permanents, les grandes scènes d'insultes en famille tiennent souvent lieu de déclarations d'amour. Avec sa gouaille, sa mauvaise foi, son agressivité tous azimuts, ses jugements à l'emporte-pièce et ses retournements sentimentaux, son attachant personnage secoue préjugés et clichés socio-raciaux pour bâtir un conte crûment idéaliste en hommage à une vivante banlieue Babel.