La saison des prix littéraires est désormais vraiment lancée. Entre le lundi 6 septembre à 13 heures, date à laquelle les académiciens du Goncourt ont dévoilé une liste inhabituelle de 16 titres, et le mercredi 28 septembre où nous mettions sous presse, les jurys de six des sept grands prix d’automne - Goncourt, Renaudot, Femina, Médicis, Décembre, Interallié - avaient établi leurs premières sélections de titres francophones, celle du grand prix du Roman de l’Académie française étant annoncée jeudi 29 septembre. Suffisant pour tirer un premier bilan de la saison 2016, en attendant la deuxième salve de listes dès le 4 octobre.
Gallimard loin devant
Si, en 2015, Gallimard s’était fait voler la vedette par Grasset et ses 7 titres en lice, l’éditeur de la célèbre collection "Blanche" a laissé peu de place à la concurrence cette année. Avec 10 auteurs sélectionnés par au moins un des six prix susnommés, la maison domine largement le premier round, mais aussi, individuellement, chacune des listes. Plusieurs romanciers stars de la rentrée Gallimard ont séduit les différents jurys, à commencer par Catherine Cusset, choisie par les jurés des prix Goncourt, Renaudot, Femina, Décembre et Interallié pour L’autre qu’on adorait. Au petit jeu du "qui alignera le plus de candidats", Grasset parvient à s’arroger la deuxième place. La filiale d’Hachette Livre voit 8 de ses auteurs figurer dans une liste, les applaudissements revenant au prodige Gaël Faye, dont le premier roman Petit pays, plébiscité par le public, a été salué par les jurés du Goncourt, du Médicis, de l’Interallié et par les "dames" du Femina. Le Seuil, qui aligne 5 auteurs au départ de l’une des courses, prend la troisième place, faisant revivre la mythique époque "Galligrasseuil", suivi d’Albin Michel et ses 3 ouvrages au compteur. Plus discrètement, Actes Sud, Flammarion, L’Olivier, Robert Laffont, Stock et Verdier ont chacun 2 livres sélectionnés.
Cusset grande favorite
A l’instar de Boualem Sansal qui dépassait largement les autres candidats l’an dernier, pour finalement emporter le grand prix du Roman de l’Académie française ex æquo avec Hédi Kaddour, seule Catherine Cusset se retrouve en lice pour 5 prix différents. Juste derrière, 4 écrivains sont au coude-à-coude et figurent dans quatre des six sélections analysées : Gaël Faye, mais aussi Laurent Mauvignier et son Continuer chez Minuit (Goncourt, Femina, Décembre, Médicis), Leïla Slimani avec Chanson douce chez Gallimard (Goncourt, Renaudot, Femina, Interallié) et l’historien Ivan Jablonka dont le récit Laëtitia ou La fin des hommes, paru au Seuil (Goncourt, Renaudot essai, Décembre, Médicis) pourrait atteindre le niveau du roman de Catherine Cusset. Placé dans la liste essais du Renaudot en raison de sa forme hybride, le lauréat du prix Littéraire du Monde a en effet encore une chance d’être sélectionné pour le Femina essai.
Parmi les "outsiders" de cette saison des prix ne comptant "que" trois sélections, on retrouve le primo-romancier Frédéric Gros qui publie Possédées chez Albin Michel. Gallimard fait de la résistance avec Nathacha Appanah (Tropique de la violence) et Jean-Baptiste Del Amo (Règne animal), et Stock place de grands espoirs dans Au commencement du septième jour de Luc Lang.
Portrait-robot
L’analyse des premières sélections permet cette année encore d’arriver au constat que la parité homme-femme n’est pas la préoccupation des jurys des grands prix. Sur 54 auteurs dont le nom est mentionné au moins une fois, 15 sont des femmes, soit moins d’un tiers des troupes. Moins aventureux qu’en 2015, où 9 primo-romanciers avaient eu l’honneur d’une première sélection, les jurés n’ont choisi que 6 nouvelles plumes, s’incarnant dans les personnes de Gaël Faye (toujours lui), Frédéric Gros, mais aussi Arnaud Sagnard (Bronson, Stock), Négar Djavadi (Désorientale, Liana Levi), Paul Baldenberger (A la place du mort, Les Equateurs) et Lenka Hornakova-Civade (Giboulées de soleil, Alma). On notera enfin que si le talent n’attend pas le nombre des années, une sélection dans un grand prix réclame une certaine expérience. L’âge moyen des auteurs en lice est de 53 ans, le doyen Jacques Henric culminant à 78 printemps, loin des 34 ans du plus jeune… Gaël Faye.