Dans un jardin de Kigali. C'est un mystère au cœur du désastre. Une tragédie parmi un million d'autres dans la nuit la plus noire. Trois hommes, une femme. Trois Français, un Rwandais. Deux gendarmes, Alain Didot et René Maier, affectés à Kigali au sein des forces supplétives françaises, Gilda, l'épouse du premier et un autochtone, gardien de leur maison. Tous assassinés, sans doute le 8 avril 1994, deux jours après l'attentat contre l'avion du président Habyarimana qui déclenchera le dernier génocide du siècle. Bien sûr, en ces heures et ces jours de massacre, que représentaient quelques morts de plus ? Tout de même, beaucoup de mensonges, de dissimulations, de falsifications et le silence de l'État français font de ce que l'on appellera « l'affaire Didot Maier » une page blanche pour la justice et noire pour notre pays dont le dossier de l'attitude durant le génocide est resté ouvert.

Seule la presse a permis que ces morts ne soient pas tout à fait oubliés. Notamment, le journaliste du Monde, Pierre Lepidi, spécialiste reconnu des affaires africaines. Celui-ci y revient avec un coup de maître romanesque. Soit l'histoire de Martin Pietri, un grand reporter qui vient de prendre sa retraite après quarante ans de bons et loyaux services, consacrés pour l'essentiel au continent africain, désormais retiré dans sa thébaïde des montagnes corses. Il a cédé sa place, au sein de la rédaction de son journal et pour les dossiers dont il avait la charge, à Paradis Kayiranga, sa fille spirituelle, une jeune journaliste d'origine rwandaise, orpheline du génocide. Celle-ci, à l'instigation de son mentor et en raison des échos que cela éveille en elle, décide de reprendre l'enquête sur les meurtres mystérieux de Didot et Maier. Avec passion, avec un infini effroi aussi. Elle retrouve peu à peu tous ceux, juges, militaires, casques bleus, journalistes, familiers et autres qui peuvent lui fournir quelque indice que ce soit. Elle avance à tâtons dans la nuit, la sienne, celle de son peuple, sous le regard et la maïeutique bienveillants de Martin. Les deux, associés, iront au terme d'une vérité forcément parcellaire. Lepidi aussi est sans doute en ces pages où le roman accompagne harmonieusement l'investigation, au plus près de sa vérité.