1er février > Roman Etats-Unis > Jonathan Franzen

De Jonathan Franzen, beaucoup croient que Les corrections (L’Olivier, 2002), National Book Award qui lui valut une renommée mondiale et l’introduisit comme le chef de file de toute la nouvelle génération de romanciers américains, était le premier roman. De fait, s’il s’agissait de son premier livre traduit en français, c’était déjà son troisième roman. En 2004 paraissait le premier, La vingt-septième ville, et il aura fallu attendre vingt-six ans après sa sortie américaine pour que soit enfin traduit le deuxième, Phénomènes naturels. Que cachait cette attente ? Finalement, au regard de l’ampleur et de l’ambition du livre, que tout Franzen était déjà là, romancier démiurge autant que mémorialiste de l’effondrement de la société wasp et de la cellule familiale. Ce qui en faisait déjà ce qu’il est devenu aux yeux de tous : un grand écrivain politique. Stephen King ne s’y était pas trompé qui, dès ce deuxième opus, prit fait et cause pour son talent.

C’est un roman qui, d’une certaine façon, en contient plusieurs, mais dont le plus petit commun dénominateur serait Louis Holland, jeune type de 23 ans un peu paumé, un peu disgracieux, guère aimable mais fondamentalement honnête, travaillant dans une modeste radio locale de Boston. Il est nanti d’une sœur dont la paresse autant que les nombreux petits amis servent l’âpre cupidité, d’une mère indifférente et narcissique, d’un père universitaire volontiers démissionnaire. La vie de Louis (et de tous) va changer lorsque sa grand-mère, improbable papesse new age qu’il ne connaissait pas, meurt victime d’une mauvaise chute lors d’un tremblement de terre. L’adepte de l’ésotérisme laisse derrière elle la coquette somme de vingt-deux millions de dollars. Suffisamment pour pulvériser tout à fait toute idée d’harmonie familiale. Bientôt, l’affaire prendra une autre tournure lorsque Louis, plus égaré que jamais, va faire la connaissance d’une sismologue à Harvard et découvrir l’implication d’une société pétrochimique dans le déclenchement du séisme. Une église opposée à l’avortement viendra s’en mêler et contribuera à rendre plus politique encore toute cette histoire.

Seul dans sa génération, Jonathan Franzen est capable de faire tenir ensemble, en un même livre et sans que cela paraisse artificiel, des éléments de narration aussi disparates. Ce qui s’affirme avec une force peu commune dans Phénomènes naturels, c’est l’humour - qui pour le coup est vraiment une politesse du désespoir - du romancier. L’humour et la colère, qui en est la première composante. Le féminisme, l’exploitation capitaliste, la déshumanisation d’un monde voué à une modernité aveugle sont au programme d’un roman dickensien comme Franzen ne cessera plus d’en écrire. Un quart de siècle plus tard, ni lui ni le monde n’ont vraiment changé. Olivier Mony

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