Le 14 avril, a été publiée au Journal officiel la décision de déclarer trésor national les archives de Michel Foucault, soit près de 37 000 feuillets dont de nombreux inédits. En droit français, la notion de trésor national désigne des objets bien différents les uns des autres. C’est ainsi que toutes les collections publiques sont affublées de ce qualificatif. Il en va de même, par exemple, des archives privées classées ou encore des œuvres contenues dans les « musées de France » (ce label pouvant d’ailleurs s’appliquer à des institutions privées). Rappelons que, en 2009 déjà, les archives de Guy Debord avaient « bénéficié » du label trésor national. Cela peut aussi concerner des biens qui ne sont pas dans les collections publiques proprement dites mais sont rattachées à ce qu’on nomme le domaine public de l’Etat ; qu’il s’agisse d’un objet de culte classé comme d’un morceau de la colonne d’origine de la place Vendôme (ainsi qu’il a déjà été jugé à l’issue d’une demande de certificat d’exportation). Les œuvres non classées peuvent également être interdites de quitter le territoire. Car le propre de la notion aussi floue que large de trésor national est de rendre impossible la sortie de l’hexagone, sauf à titre temporaire, à l’occasion d‘une exposition par exemple. Un arrêté du 28 mars dernier émanant du ministère de la Culture avait déjà refusé l'exportation des archives de Michel Foucault. Le but de la décision du 14 avril est donc très clair : retenir les archives de Michel Foucault en France. Une loi du 10 juillet 2000 facilite la politique d’acquisition par les pouvoirs publics - à un prix convenable pour le vendeur - à la suite d’un refus de sortie émis par ceux-ci. En effet, il serait trop facile de retenir abusivement, notamment après avoir classé, et, de facto , de faire chuter le prix d’une œuvre limitée de vente au seul marché français. Et quand l’objet refusé de sortie n’est ni acquis ni classé après trente mois, son propriétaire peut obtenir un certificat d’exportation. Si le bien n’est pas un « trésor national » mais excède un certain montant ou une certaine ancienneté, il est néanmoins nécessaire d’obtenir un certificat permettant son exportation. Le bilan officiel ? Entre 1993 et 2006, ce sont plus de 150 refus de certificat qui ont été notifiés, dont plus d’une centaine « définitifs » (c’est-à-dire n’ayant pas fait l’objet, par exemple, de nouvelles demandes). La liste concerne une statue égyptienne en bronze de la troisième période intermédiaire aussi bien qu’une marine de Monet, en passant par un livre d’heures manuscrit enluminé ou encore des poèmes autographes de Rimbaud. En revanche, les luttes d’influence peuvent aboutir au résultat inverse et laisser s’échapper hors du territoire une pièce un temps largement convoitée. C’est ainsi qu’en 2001 Sotheby’s a pu vendre librement à Paris et laisser partir pour les Etats-Unis un fauteuil réalisé pour le Petit Trianon et ayant appartenu à la collection de l’antiquaire Luigi Laura. Le lot, inégalable en rareté, s’est envolé à deux millions de francs alors que son propriétaire était disposé à négocier son rachat à un prix favorable au profit du musée de Versailles. Las, les différents avis de spécialistes étatiques ont abouti à lever des doutes sur la qualité dudit fauteuil. Résultat ? Non seulement, l’Etat n’a ni acquis à l’amiable ni préempté le meuble, mais, à moitié convaincu du peu d’intérêt de la pièce, a, en toute logique, refusé de le considérer comme un trésor national ; ce qui a permis la vente, pour la plus grande joie de Sotheby’s et de son client américain.