Alain Hervé est un homme libre qui « chérit la mer ». Un Manchois descendant de Viking qui a pris le large dès qu’il a su. Circumnavigation, philosophie, journalisme, combat écologiste - notre homme a été le fondateur des Amis de la Terre et du Sauvage, journal pionnier et culte -, ethnobotanique. C’est aussi un érudit, un grand lecteur (son gourou s’appelle Melville) et un farfelu : il est le créateur de l’association Fous de palmiers - son arbre favori étant le talipot… Son périple à travers les îles, où il se fait notre cicérone amusé, ne commence-t-il et ne finit-il pas par Chausey, plus normande qu’anglo, contrairement à Jersey ?
Suivant l’ordre alphabétique, de Barrington, en Equateur, à Venise, Alain Hervé l’isolâtre (ou nésomane) nous entraîne dans son sillage à la découverte d’une cinquantaine d’îles. De préférence de taille modeste : « une île n’est une île qu’à condition d’être très petite », rappelle Gilles Lapouge dans sa préface. Adieu Cuba, la Jamaïque, Maurice ou Madagascar… Certaines illustres, comme Madère, paradis de l’english way of life d’autrefois, Manhattan ou l’île Saint-Louis, qu’il appelle un « nombrîle », d’autres inconnues comme Kiji, au milieu du lac russe Onega, avec son église en bois. D’autres sont même imaginaires, de pures créations littéraires, comme l’Escondida d’Hugo Pratt ou l’île polynésienne du Mardi de Melville. Hervé est allé partout, ou presque. Et quand ce n’est pas le cas, comme à Pitcairn (Melville toujours), il explique et regrette.
Promesse d’îles est aussi un florilège d’anecdotes personnelles, de potins réjouissants : on apprend que sir Elton John vit dans un palais sur la Giudecca, laquelle est jumelée à… Saint-Germain-des-Prés, tandis que François Mitterrand, qui n’y fut jamais propriétaire, descendait chez le comte Volpi. On découvre, plus « sérieusement », que c’est dans l’île écossaise d’Iona que l’évangélisateur saint Columba débarqua en 563, et que le vrai découvreur de l’Amérique, bien avant Christophe Colomb, fut un Islandais du nom de Leif Erickson.
Sans nous infliger de grands discours, ni se départir d’une certaine légèreté, Alain Hervé ne peut s’empêcher de déplorer la perte d’identité culturelle de Tahiti, les conséquences monstrueuses du tourisme, ou encore le sacrifice du patrimoine au nom du « progrès » : ainsi du temple de Philae déplacé pour cause de barrage. Loti, en son temps, l’avait déjà dénoncé. Entre écrivains de marine, on s’est toujours compris.
J.-C. P.