On le sait depuis Le nom des coquillages (Albin Michel, 2003), Anthony Doerr est l'un des plus talentueux nouvellistes américains apparus sur la scène littéraire ces dernières années. Après avoir également démontré sa virtuosité romanesque dans A propos de Grace (Albin Michel, 2006), le revoici en piste avec un éblouissant recueil d'histoires.
Longue de plus d'une centaine de pages, la première vaut à elle seule l'achat du volume. On y découvre Alma, une veuve qui vit dans une banlieue résidentielle sur les hauteurs de Cape Town. La vieille dame oublie les choses, elle a la mémoire qui flanche, des souvenirs qui vont et viennent. Trois ans plus tôt, elle a consulté le Dr Amnesty qui lui a expliqué que "le substrat des souvenirs anciens se trouve non dans les cellules mais dans l'espace extracellulaire".
Le bon docteur a mis au point un étrange protocole et propose à ses patients d'enregistrer leurs souvenirs sur des cartouches qu'ils peuvent ensuite se repasser. Depuis qu'elle s'est inscrite, Alma revoit des moments du passé. Lorsqu'elle travaillait avec son mari Harold dans une agence immobilière et qu'ils partaient tous deux chasser le fossile dans le Grand Karoo. La nuit, elle a aussi l'impression qu'on entre chez elle. C'est bien le cas puisqu'elle reçoit la visite de Roger Tahoni et du sage petit Luvo, qui semblent chercher quelque chose de bien précis dans son élégante maison blanche...
L'univers d'Anthony Doerr est à la fois flottant, mystérieux et émouvant. Né à Cleveland en 1973, l'Américain ne cesse de surprendre au fil des six nouvelles du Mur de mémoire. Comme dans Le nom des coquillages, où il promenait le lecteur au Kenya, dans l'Idaho, l'Ohio ou le Montana, il change ici souvent de décor, passant de l'Afrique du Sud au Wyoming ou à la Lituanie avec une même aisance et une même puissance. Un auteur de premier plan à ne surtout pas rater.