Franck Ribéry a tenté de faire interdire en référé, et en vain, La Face cachée de Franck Ribéry , publié le 29 septembre aux éditions du Moment. Le footballeur visait évidemment le contenu de cette bio non autorisée (où figurent Zahia, ses copines, des procès-verbaux d’audition, etc.), mais devinant sans doute que les juges lui refuseraient cette censure, il avait cru plus malin d’attaquer au motif que le cliché de couverture porterait atteinte à son droit à l’image. Le cliché litigieux le représentait… en costume. On conviendra que ce n’est pas là sa tenue de travail, mais il s’agissait pour le reste d’un costume tout à fait banal, tel que ceux endossés par les footballeurs pour se montrer en public hors d’un stade. En outre, le cliché avait été acquis en toute légalité par l’éditeur à l’agence Corbis, qui gère les droits… du joueur (et propose 1519 photographies le concernant lorsqu’on tape son nom sur sa base de données en ligne). En sus d’être légitimement débouté, Ribéry a été condamné à verser 3 000 euros au titre de l‘article 700 du Nouveau Code de procédure civile (c’est-à-dire de frais d’avocat pour la partie adverse). Quelques précédents marquants en la matière auraient dû dissuader le footballeur de se lancer sur le fondement du droit à l’image. Certes, il existe un droit à l’image des personnes physiques, qui permet à chacun, inconnu ou célèbre, de s’opposer à la reproduction de sa propre image. Mais la jurisprudence considère que ce droit peut être cédé par le biais d’une autorisation (en l’occurrence via Corbis). De plus, les juges estiment en général que les personnalités consentent par principe à une autorisation tacite de reproduction de leur image, à partir du moment où celle-ci est prise pendant l’exercice de leur activité professionnelle ou lors d’un événement public. Pour rester sur le terrain des adultes en short payés une fortune pour taper dans une baballe, l a décision la plus éloquente a été rendue, en 1995, par le Tribunal de grande instance de Nanterre, à propos d’Eric Cantona : « Indépendamment de la protection de sa vie privée, tout individu, fût-il célèbre, dispose sur sa propre image, attribut de sa personnalité, d’un droit exclusif, lui permettant d’autoriser ou non sa reproduction, et de s’opposer à ce qu’elle soit diffusée, quel qu’en soit le moyen, sans son autorisation expresse ou tacite, (…) il en est de même en ce qui concerne son nom. (…) toutefois, une personnalité publique consent tacitement, par l’exercice public qu’elle fait de son activité, à ce que des clichés d’elle soient pris dans des lieux publics, plus spécialement à l’occasion de sa profession, et soient publiés, dans des conditions normalement prévisibles, dénuées d’intention malveillante ou plus généralement de faute ; (…) cette présomption d’autorisation cesse cependant dès lors que l’intéresse manifeste explicitement son refus de voir son image diffusée, sous réserve qu’une telle diffusion ne soit pas rendue nécessaire pour les besoins légitimes de l’information due au public ; (…) le caractère gratifiant ou flatteur de la publication faite ou envisagée est sans influence sur les principes ainsi dégagés. (…) en l’espèce, il est constant que l’exemplaire incriminé de But ne reproduit que des photographies d’Eric Cantona prises en public et en quasi-totalité lors d’exhibitions de football ». Le joueur en question a cependant gagné son procès, car la publication utilisait son image à des fins purement mercantiles, sans aucun rapport avec un événement sportif ou une péripétie publique. Ce qui n’est pas le cas de l’ouvrage des éditions du Moment concernant Ribéry. Rappelons par ailleurs un droit spécifique au profit des organisateurs d’événements sportifs. C’est la loi du 16 juillet 1984, relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, modifiée par la loi Bredin du 13 juillet 1992, qui a véritablement entériné, à la suite de la jurisprudence et de la doctrine la plus autorisée, ce qu'il est convenu d'appeler un « droit d'arène ». L'article 18-1 de la loi dispose à cet effet que « Le droit d'exploitation d'une manifestation ou d'une compétition sportive appartient à l'organisateur de cet événement ». Le législateur français a donc consacré clairement, au profit de tout organisateur d'épreuves sportives, un monopole, qui lui permet notamment de délivrer des autorisations de captation et d'exploitation des images captées. Et les dérogations à ce régime juridique draconien sont assez ténues. L’avocat de Ribéry a déclaré : « Nous allons interjeter appel car les motivations du juge sont erronées », en précisant qu'il allait par surcroît assigner à nouveau en référé, cette fois pour atteinte à la présomption d'innocence. Enfin, reste à venir une plainte pénale « pour violation du secret de l'instruction et recel ». Le championnat ne fait donc que commencer entre les éditions du Moment et Ribéry, avec trois matchs déjà prévus et déjà 1 à 0 pour l’éditeur.