Roman & Récit de voyage/France 15 et 29 août Brice Matthieussent

Brice Matthieussent est l'un de nos plus grands traducteurs de l'anglais. Son travail a contribué au succès en France de Jim Harrison, de Bret Easton Ellis et de nombre d'autres, plus de 200 titres en tout. Ecrivain rare et divers, il est l'auteur d'une œuvre éclectique, alternant essais, romans, ou récits de voyage. C'est à ces derniers genres qu'appartiennent les deux livres qu'il publie à la rentrée. Un roman, Le joueur et son ombre, chez Phébus. Et un récit de voyage à Saint-Pétersbourg, Les jours noirs, chez Arléa.

Ecrit à la première personne par un narrateur qui a aujourd'hui une cinquantaine d'années et vit en marge du monde « réel », Le joueur et son ombre retrace l'histoire d'une terrible déchéance, d'une longue et irrémédiable descente aux enfers, qui a commencé presque trente ans auparavant. Chris Piérac, un jeune Australien, était alors un surdoué du tennis, un « génie précoce », qui, à 21 ans, se classait 11e joueur mondial ATP. Il avait été un enfant difficile : agressif, fugueur, dévergondé, drogué. Mais il semblait avoir trouvé enfin, grâce au sport, son équilibre. Sur les courts, il affichait toujours beaucoup de calme, de gentillesse, voire de modestie. Tout le contraire de son père, Thomas, qui lui sert au début d'entraîneur, un type sanguin, frimeur, vulgaire, qui aime afficher sa réussite sociale à grand renfort de bijoux et de montres de luxe. Mais le tandem semble fonctionner, jusqu'à ce que Chris se remette à sortir le soir, à boire, à se droguer, à draguer, dans les cercles de la jet-set où, riche et célèbre, le meilleur accueil lui est réservé. Il y aura quand même quelques scandales. Thomas ayant pris du champ, avant de mourir prématurément, c'est un certain Anton qui tente de protéger le jeune joueur contre lui-même et ses démons. En vain. Ses excès nuisent à son tennis. Il se met à perdre des matchs, y compris contre des adversaires médiocres, à détester son sport, il frôle la folie. Il redevient insolent, cynique, violent, apparaît sur les courts en Black Knight puis en The Killer. Jusqu'au jour où, à Rome, il a une altercation avec son challenger, Tonio, qui l'insulte. Pas de coup de boule à la Zidane, mais un coup de raquette dans le visage, qui laissera l'Italien défiguré. Suspendu un an, Chris, qui vit à Los Angeles où il a créé une fondation destinée à aider de jeunes tennismen méritants, va d'abord vivre sur son acquis, avant d'entamer sa longue marche au supplice. Il finira SDF. C'est tout en retenue, sobre, efficace et terriblement sombre.

Sombre aussi sont ces Jours noirs, que Brice Matthieussent a passés en 2006 à Saint-Pétersbourg, début décembre, c'est-à-dire après les fameuses nuits blanches. Déambulations dans une ville cotonneuse, qui ressemble à un décor de théâtre, sans vie, sans lumière, sans publicités dans le métro ni dans les rues. Une ville sur laquelle, exprès, il ne s'était pas documenté, afin de l'appréhender de façon plus intuitive et spontanée, préférant se référer à ses écrivains : Dostoïevski, Pouchkine et la poétesse Anna Akhmatova, sur qui se clôt le livre. Mais avant cela, il y a eu de belles rencontres, notamment avec les étudiant(e)s de l'Académie polaire. L'alcool, la poésie et les chansons ont fini par illuminer l'atmosphère de Saint-Pétersbourg.

Brice Matthieussent
Le joueur et son ombre
Phébus
Tirage: 2 500 ex.
Prix: 18 euros ; 224 p.
ISBN: 9782752912053
Brice Matthieussent
Les jours noirs : nous nous retrouverons à Saint-Pétersbourg
Arléa
Tirage: 2 000 EX.
Prix: 16 euros ; 88 p.
ISBN: 9782363081988

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