Avant-portrait

A le voir dans Gouttes d'eau sur pierres brûlantes de François Ozon et là dans son dernier film, Play, réalisé par Anthony Marciano, on se demande s'il s'agit du même homme. Dans le premier, un huis clos grinçant sur le désir, adapté d'une pièce de Fassbinder, Malik Zidi est un garçon frêle, fou de littérature, qui s'éprend d'un monstre de perversion narcissique interprété par Bernard Giraudeau. Dans l'actuelle comédie, très « feel-good », autour d'une bande de copains, il incarne un cancre sans culture mais fort sympathique.

Vingt ans ont passé et le jeune premier d'alors s'est étoffé mais la différence n'est pas tant physique. Il a gardé la prunelle pétillante, un petit air de marlou, le cheveu roux, et de l'enthousiasme à revendre. En revanche, sa facilité à jongler avec les rôles ne cesse d'étonner.

Rouquemoute

Sa plasticité vaut pour tous les domaines créatifs qu'il touche. « Je suis acteur, mais je suis surtout artiste, » insiste-t-il. La comédie est pour lui une expression artistique parmi d'autres. Malik Zidi, qui s'est récemment installé au Havre, dont il est « tombé amoureux », peint aussi. Parmi ses peintres de prédilection, il cite en vrac Cy Twombly, Goya, Bacon ou James Ensor, ce symboliste déjanté aux mises en scène carnavalesques et aux convictions anarchistes.

Malik Zidi est double, à la fois cancre et littéraire : « J'ai foiré deux fois le bac, mais je lisais énormément, j'écrivais aussi des histoires, de la poésie ». Tout ce qui pouvait le faire « partir » - les livres et l'amour - était bon à prendre. Il fallait échapper à la grisaille existentielle et à une famille dysfonctionnelle dans l'environnement apparemment tranquille d'une France moyenne à Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne).

Cette propension à la fuite, il la raconte dans son premier roman L'ombre du soir. Son narrateur, Mehdi, a, comme lui, une mère bretonne pharmacienne et un père algérien informaticien qui projettent leurs difficultés de couple en mettant une pression maximale sur les épaules de leur aîné. Le cercle vicieux des mauvaises notes et de la raclée, les sempiternelles lamentations maternelles (« il me tue », répète la mère) et la violence inouïe d'un père qui le bat à mort (« c'est Œdipe à l'envers », sourit avec le recul l'ancien enfant battu). Le héros prend des dérouillées et la tangente onirique.

Cela avait si bien commencé pourtant : des parents qui se sont rencontrés « dans le métro, au retour d'une fête, selon la mythologie parentale », une prime enfance en Algérie dont Malik se souvient de la lumière, des gâteaux au miel et de la grand-mère paternelle gaga du petit-fils rouquemoute. Puis c'est le retour en France, une jeunesse en banlieue parisienne et cette infernale pression.

A l'école, sa sympathie charismatique le sauve et lui vaut, à 10 ans, le prix de la camaraderie. En 2007, c'est le César du Meilleur espoir pour le rôle d'un étudiant dans Les amitiés maléfiques, d'Emmanuel Bourdieu. Cela le fait sourire, lui qui a toujours rechigné à toute formation académique. Malik Zidi a quand même suivi l'enseignement de Véronique Nordey. Puis la baraka a fait la courte échelle au bagout. Il a enchaîné les rôles, au théâtre d'abord (« en mentant sur mon CV »), puis dans son premier film, Place Vendôme, de Nicole Garcia. Il y eut ensuite « ce jeune réalisateur pas connu », Ozon, qui lui a offert le rôle principal. Du bagout, mais aussi du talent.

Malik Zidi
L'ombre du soir
A. Carrière
Tirage: NC
Prix: 17 euros, 176 p.
ISBN: 9782843379642

Les dernières
actualités