Sept ans après Çà et Là, qui se livre chaque année à l'exercice, L'Antilope publie à son tour sur son site Internet les chiffres de vente de l'ensemble de ses titres au 31 décembre. Pour la petite maison de littérature, comme précédemment pour l'éditeur indépendant de bande dessinée, il s'agit de faire apparaître la dure réalité de son activité et la complexité de son équation économique, aussi bien que les bonnes surprises. Ces initiatives peuvent aussi contribuer à éclairer les débats sur la répartition de la valeur au sein de la chaîne du livre en permettant à chacun de réfléchir à partir des mêmes données.
Bien sûr, dans sa forme radicale, ce type de démarche reste isolé. Les maisons d'édition ne sont pas, ou pas encore, des maisons de verre. Pas sûr d'ailleurs que tous les auteurs acceptent de voir étalées les performances de leurs livres sur la place publique. Mais, dans une période marquée par la prospérité des théories du complot et des fake news, ces opérations transparence traduisent une aspiration qui se répand plus largement dans la chaîne du livre.
Directeurs associés de Leduc.s, Karine Bailly de Robien et Pierre-Benoît de Veron en témoignent dans ces colonnes en assumant publiquement leurs échecs dans les secteurs de la romance ou de la jeunesse. « On teste, on se trompe, on ajuste », expliquent-ils. Et de revendiquer à la fois le droit à l'erreur et une conception renouvelée du travail d'équipe.
Pour leur part, les libraires admettent sans fard leur incapacité à attirer les 15-25 ans dans leurs commerces, et avec elle leur inquiétude pour l'avenir de leur activité. Dans ce domaine, l'heure est à la mobilisation. Les jeunes lisent mais, comme l'explique Laurent Bazin, la lecture est plus chez eux une activité collective qu'un acte individuel, et les librairies ne leur apparaissent pas suffisamment ouvertes à leurs préoccupations. Faisons-en des maisons de verre.