Hélène Maurel-Indart, très renommée universitaire spécialiste du plagiat, consacre un troisième et savoureux ouvrage à son thème de prédilection . Sa Petite Enquête sur le plagiaire sans scrupule (Leo Scheer, 15 euros) passe en revue tour à tour « les modes opératoires », « les techniques rédactionnelles » et « les systèmes de défense ». Les biographes, au cœur chaque année de quelques scandales et procès, y figurent en bonne place. La tentation est forte lorsqu'un biographe précédent a déjà effectué un important travail de recherches de se dispenser des mêmes efforts, voire de littéralement paraphraser des paragraphes entiers. Plusieurs affaires récentes, et parfois cocasses, en attestent. Il est parfois difficile de distinguer entre ce qui relève inéluctablement des faits historiques, ce qui appartient au « fonds commun du genre » exigé par le personnage traité, et ce qu'un passionné saura dénicher et mettre en valeur dans un véritable processus d'auteur. La Chambre criminelle de la Cour de cassation a posé clairement les termes du débat, dès le 16 juin 1955, à propos d'une biographie du ténor Caruso. À cette occasion, les magistrats ont délimité ce qui ne pouvait faire l'objet d'une appropriation ou de la constitution d'un monopole scientifico-littéraire de la part d'un chercheur... cherchant surtout à interdire toute autre biographie sur « son » sujet. Pour bénéficier d'une protection, la biographie doit être originale, au sens où l'entend le droit d'auteur : c'est-à-dire présenter une composition ou un style propres à celui qui l'écrit. Les Plagiaires, le nouveau dictionnaire de Roland de Chaudenay narre les mésaventures de Paul Guth qui publia Moi, Ninon de Lenclos, courtisane en 1991. Le livre fut promptement retiré de la vente après quelques échanges entre son éditeur et celui de Ninon de Lenclos, Courtisane du grand siècle , paru en 1984, sous la plume de Roger Duchêne...           Quant aux informations brutes, même inédites, elles ne sont pas protégeables par le biais de la propriété littéraire et artistique. Mais il reste possible d'agir sur le terrain de la concurrence déloyale, et plus particulièrement en invoquant la notion de « parasitisme », celui-ci consistant à se dispenser d'un travail parfois très fastidieux et à s'inscrire dans le sillage d'un pionnier sans défricher le sentier par soi-même. Les affaires les plus emblématiques de ces dernières années ne manquent pas de cocasse. Il en est ainsi du conflit ayant opposé Patrick Rodel à Alain Minc à propos de la vie de Spinoza. Le 7 septembre 2001, le Tribunal de grande instance de Paris a plus qu'épinglé l'essayiste au profit de l'universitaire qui le poursuivait pour contrefaçon. Les juges ont d'abord pris soin de souligner que, traditionnellement, «  les idées sont de libre parcours  » et qu'à ce titre nul ne pouvait reprocher à Alain Minc d'avoir rappelé, chronologiquement, les épisodes de la vie de l'illustre philosophe. Cependant, ils ont aussi détecté nombre d'anecdotes, recopiées avec les mêmes détails et surtout dans les mêmes termes qu'au sein de l'ouvrage de Patrick Rodel. Ce dernier avait en effet imaginé une correspondance mettant à jour un goût prononcé de Spinoza pour la confiture de rose, agrémenté d'une recette. Or, cette facétie - qui s'inscrivait dans une biographie revendiquée clairement comme imaginaire - avait été reproduite, sans source idoine, dans l'ouvrage litigieux... Relevons que la société éditrice a été condamnée avec sévérité ; car, selon le tribunal, «  en tant que professionnel averti de l'édition, (elle) ne pouvait manquer sinon de vérifier, du moins de s'inquiéter auprès de son auteur de l'importance des emprunts faits, sans guillemets, à la biographie contrefaite, citée dans l'ouvrage incriminé. De plus, elle aurait dû tenir compte du fait que l'auteur de l'ouvrage litigieux, connu comme économiste, ne se posait nullement en philosophe spécialiste de Spinoza dont il entendait faire la biographie  »... Certains biographes à la chaîne finissent par confondre la vie de leur sujet et leur fourmillante documentation. Henry Troyat l'a appris à ses dépens après avoir été blanchi, au premier round, par le tribunal de grande instance de paris, le 9 février 2000. La Cour d'appel n'a pas lu son œuvre du même œil, et a sanctionné la contrefaçon, le 19 février 2003. En l'occurrence, ce sont les choix identiques de citations d'extraits de lettres, de journaux identiques ainsi que de... citations inédites qui ont entraîné la condamnation du second biographe
15.10 2013

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