Je rentre de Maastricht, où j’ai visité la librairie la plus inattendue qui puisse se concevoir. Pour vous représenter les lieux, imaginez l’église Saint-Eustache, à Paris, transformée en librairie… Une nef gothique monumentale, 30 mètres de hauteur sous plafond, un audacieux habillage d’architecture contemporaine, en acier noir, et 45 000 livres à la vente. Consacrée en 1294, confisquée à la Révolution (Maastricht était alors française), l’ancienne église des Dominicains est devenue librairie en décembre 2006. Depuis son ouverture, elle ne désemplit pas : déjà plus d’un million de visiteurs, dont beaucoup entrent pour la photographier, et un chiffre d’affaires, en 2007, première année d’exercice, qui a dépassé les 5 millions d’euros. Pour une ville de 120 000 habitants, c’est remarquable. Mais la librairie est aussi remarquable à un autre titre : elle est entièrement équipée en technologie RFID, ces puces intelligentes, fonctionnant sur la radio-fréquence, et qui s’apprêtent à révolutionner la distribution de masse comme le commerce de détail. Il s’agit d’un test grandeur nature, mené à l’initiative de la chaîne BNG, premier libraire hollandais, avec 15 magasins à l’enseigne de Selexyz. Je ne rentre pas dans les détails ici, ce voyage était prétexte à un reportage dans un dossier sur les puces RFID qui paraîtra dans LH fin mai. Pour vous mettre en appétit, quand même, voici un exemple, parmi tant d’autres, de ce que cette technologie peut apporter : 3 bornes d’interrogation équipent le magasin (bientôt 5). Sur ces bornes, les clients peuvent taper l’objet de leur requête, quel qu’il soit : en un dixième de seconde, la borne leur répond ce qui correspond, dans le magasin, à leur demande, et leur indique l’emplacement où trouver les livres correspondants. Pendant que Tom Harmes, le directeur de la librairie, m’expliquait le fonctionnement de ces bornes, deux gamins hauts comme trois pommes sont arrivés à la borne près de laquelle nous nous trouvions. Le plus grand (il devait avoir sept ans…) a tapé sans hésiter « Donald Duck ». L’écran lui a aussitôt donné trois réponses, et les deux minots ont filé vers le rayon indiqué… Pour l’instant, la localisation reste verbale (« rayon Ceci ou rayon Cela, derrière le troisième pilier…), mais à terme l’emplacement s’affichera sur un plan de la librairie, pour se repérer encore plus facilement. En restant un moment en observation auprès de ces bornes, j’ai pu constater que ce sont les plus jeunes clients qui, spontanément, se sont le mieux emparés de ce service. « Le samedi, quand le magasin est bondé, nos libraires ne peuvent renseigner, tout au plus, que 20% des gens, explique Ton Harmes. Ce qui veut dire que l’immense majorité de nos clients doit se débrouiller par elle-même et s’ils ne trouvent pas, ou s’ils sont découragés par l’attente devant les guichets des libraires, peut-être renonceront-ils à leur achat. Avec ces écrans, chacun, désormais, peut obtenir une réponse précise et rapide. » Autre leçon de ce voyage : la lecture numérique est bel et bien en train de prendre. En novembre 2007, trois des 15 librairies de BNG se sont risquées à proposer l’iLiad, le reader d’iRex, une filiale de Philips (celui également choisi par Les Echos en France). « Chacune des trois librairies n’avait pris, prudemment, que 10 exemplaires, ils ont tous été vendus en une semaine ! » raconte Ton Harmes. Du coup, l’iLiad est désormais proposé à la vente dans les 15 magasins de la chaîne. A ce jour, il s’en écoulé plus de 350 exemplaires… à 649 euros pièce. D’ailleurs, pendant que je me trouvais près des caisses, un monsieur en a justement acheté un. Une fois équipé de la machine, les lecteurs peuvent lire dessus le principal quotidien hollandais, mais aussi une sélection de titres qu’ils peuvent télécharger sur le site de la librairie. Et les clients sont en train d’inventer leurs propres usages : « Hier, raconte encore Ton Harmes, une mère est venue m’exposer son problème : elle a deux jumeaux, qui rentreront en 6 ème à la rentrée prochaine. Ses deux fils pèsent… 25 kilos chacun. Et le cartable d’un élève de 6 ème pèse 10 kilos ! Elle voulait savoir si, avec cette machine, il lui était possible de télécharger ou de scanner les livres du programme. Télécharger, non, ce n’est pas encore possible avec les livres scolaires, mais scanner, oui, sans problèmes. Je suis sûr qu’elle va revenir m’acheter deux machines. » Quand le prix baissera enfin — c’est-à-dire quand la capacité de production mondiale sera effective pour répondre à une demande de masse —, les readers, c’est sûr, exploseront.
15.10 2013

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