"Parole d'homme". Cela sonne comme un serment, une promesse, le genre d'affirmation qui fait office de contrat. Sauf qu'au pluriel les certitudes s'estompent, le doute s'installe et le psychanalyste écoute. C'est ce qu'a fait Jacques André. En se fondant sur son expérience et sa pratique quotidienne, au fil des séances et des analysants, l'auteur poursuit sa réflexion sur la psychanalyse, ses contours et son travail sur les états dits "borderline" ou "états limites".
"Quand il n'y a pas de pénis, on parle de quoi en analyse", lui lance un jour Louis. Ben justement, de tout le reste... C'est-à-dire beaucoup du Phallus ! Dans cette quarantaine de courts chapitres, l'auteur de L'imprévu en séance et de Folies minuscules (Gallimard, 2004 et 2008) aborde tout ce qui "occupe" les hommes et "encombre" les femmes : la sexualité, le couple, l'impuissance, la paternité, la quête des origines, la souffrance, la maladie, la mort. Ces saynètes sont autant de coups de sonde dans l'univers de la psychanalyse, sans jargon, avec pour moteur principal le désir d'écouter, d'entendre, de comprendre cet inconscient qui à l'heure des gender studies"n'est pas paritaire".
Chemin faisant, Jacques André, qui dirige le Centre d'études en psychopathologie et psychanalyse (CEPP) à l'université Paris-7 Diderot, n'hésite pas à recadrer quelques expressions galvaudées par l'actualité, comme l'omniprésent "travail de deuil" qui surgit quelquefois là où on ne l'attendait pas. "Une telle promotion se paye toujours d'une perte de sens."
A l'écoute de ces hommes, le psychanalyste s'insurge contre la tendance à plaquer un peu trop vite des pathologies sur des comportements. "Ce n'est pas parce qu'un instant on ne se reconnaît pas dans la glace que l'on est psychotique, et ce n'est pas non plus parce que l'on connaît des moments délirants et des effondrements dépressifs que l'on est dépossédé d'un moi capable de s'adapter à l'occasion à la réalité extérieure."
Evidemment, la sexualité occupe une large part des interrogations de ces analysants, cadres ou professions intellectuelles pour la plupart, dont la caractéristique est bien souvent résumée par une phrase prononcée, qui ne dépareillerait pas dans les Brèves de comptoir de Jean-Marie Gourio : "J'ai quand même vécu trois ans avec ces seins-là...","Les femmes font sans pénis... nous on pourrait pas","Je suis un junky du sexe" ou "C'est bien le problème, elle m'aime comme elle".
Dans ce petit livre où l'analyste comme les analysants se confient, on retiendra que l'anarchisme ne marche pas en matière d'inconscient. Impossible en effet de dire "ni Dieu ni Mère"...