"Les archives judiciaires offrent ceci d’intéressant à l’étude de la folie qu’elles permettent d’observer comment s’élabore la sentence de folie." Grâce à ces documents médiévaux du milieu du XIIIe à la fin du XVe siècle, Maud Ternon reconnaît la folie à travers ce qu’en dit le droit et voit émerger une identité collective des fous. On comprend pourquoi sa thèse dont est tiré ce livre a reçu le prix Jean-Favier en 2015. De ces documents du parlement de Paris ou du Châtelet, cette professeure d’histoire médiévale (université Paris-1 Panthéon-Sorbonne) exhume des affaires très diverses. Toutes sont consignées dans ces lettres de rémission octroyées par le pouvoir royal en guise de pardon.
Les hôpitaux psychiatriques n’existant pas encore, les tribunaux deviennent les loges de la folie, les lieux où s’expriment les dérangements de la raison, le récit des forfaits quelquefois et les manifestations de compassion pour ces gens qui n’ont plus leur tête. L’essentiel des cas relève de l’agressivité, du délire verbal, de la divagation ou des visions surnaturelles. Médecins et notaires font figures d’experts en endossant le rôle de "meilleur témoin". Car le fou est aussi celui qui dissipe ses biens… Quelques siècles avant l’affaire Bettencourt, le lien est souvent fait entre prodigalité et démence. D’où la progression de la curatelle des insensés dans la pratique des tribunaux. Car une chose est tout de même à noter à propos des crimes commis par des fous à cette époque : leur rareté. L. L.