A 80 %, les libraires sont satisfaits de la valeur ajoutée apportée par leurs représentants, ce qui est rassurant… Mais cela veut dire que 20 % ne le sont pas, et c’est beaucoup. D’autant que, parmi les satisfaits, 60 % sont "plutôt satisfaits", et seulement 40 % "vraiment satisfaits"", analyse Damien Naddeo. L’ex-directeur commercial d’Edi8 (Plon, Perrin, First, Les Escales…), ancien représentant chez Glénat, a réalisé une enquête sur "les relations libraires-représentants" dans le cadre d’un MBA commerce et marketing suivi à l’ESG. A partir d’une trentaine de questions, le fils de l’éditeur et ex-DG de Larousse, Jean-Paul Naddeo, toujours intéressé par le milieu du livre même s’il n’est pas en poste actuellement, a sondé par mail 500 libraires, obtenant en retour près de 300 réponses, dont 57 % émanent du premier niveau, généraliste ou spécialisé, 26 % des grandes surfaces spécialisées, 16 % du second niveau et 1 % des hypermarchés. Des professionnels qui, tous les mois, reçoivent, pour 96 % d’entre eux, au moins un représentant et, pour 64 %, au moins six.
Après "la présentation des nouveautés", qui inclut "les informations médias sur les campagnes de communication, tournées de dédicaces…", et après "la fonction de lien avec l’éditeur pour organiser des rencontres, dédicaces ou autres événements", les libraires attendent du représentant qu’il les "oriente sur les tendances du marché" (voir graphique 1). Cette demande, formulée par 32 % des libraires interrogés, arrive en troisième position des attentes, suivie par des "informations sur les réimpressions et succès du catalogue afin de ne pas louper des ventes", souhaitées par 28 %. 19 % des libraires espèrent aussi "des chiffres sur leur librairie ou leur rayon", notamment sur leur chiffre d’affaires et sur leur taux de retour, mais aussi sur leur positionnement par rapport à la concurrence, "des conseils sur les promotions des éditeurs" et une "orientation sur le fonds et le réassort". Dernier item de la liste, "le pointage en rayons" n’est souhaité que par 3 % des libraires.
Tourniquet plutôt que box
D’une manière plus générale, seuls 8,5 % des libraires déclarent travailler le réassort lors du passage du représentant, contre 31 % jamais, et 60,5 % parfois. Or 67 % considèrent ce travail comme "utile voire très utile". Mais derrière le travail d’analyse, le déclenchement d’une commande de réassort est aussi influencé par "les moyens commerciaux" qui l’accompagnent. Parmi les "moyens les plus incitatifs", le premier, cité par 51 % des libraires, est "un mix de remise et d’échéance additionnelles", devant "une remise additionnelle" seule, citée par 41,5 %. L’option d’"une prime offerte aux clients" est citée en troisième position, par 34 % des professionnels interrogés, tandis qu’"une PLV attractive" n’est attendue que par 9 % d’entre eux. Le "matériel promotionnel (box, colonnes…) fourni par les éditeurs" est même considéré par 52 % des libraires comme "du gâchis, car non utilisé". 54 % le trouvent "inadapté", et 78 % "trop volumineux". Parmi les différents outils promotionnels, le "matériel permanent (tourniquet…)" est le préféré, cité par 56 % des libraires, suivi par les colonnes et les affiches. Ces appréciations posent question, sachant que les box, cités par seulement 23 % des sondés, en 5e position, restent le matériel de PLV parmi les plus fournis par les éditeurs.
A côté de la dimension marketing et commerciale des échanges, les libraires attendent aussi que s’instaure avec les représentants un partenariat sur le long terme. Parmi les principales qualités demandées à un représentant figurent "l’écoute des besoins et le fait d’être de bon conseil", "l’intérêt pour la vente et les contenus éditoriaux" et "le fait d’être une personne de confiance capable d’aider le libraire et de lui faire gagner du temps". "Plus qu’un commercial, le représentant doit être un passeur", souligne Damien Naddeo, qui insiste sur l’importance des liens de confiance entre les deux partenaires. Le fait que 49,3 % des libraires déclarent ne pas "faire, une à deux fois par an, un point complet de leur situation avec leurs représentants" interpelle.
1 h 15 maximum
L’organisation et le rythme des échanges apparaissent également perfectibles. Alors que les visites des représentants sont souvent mensuelles, 55,5 % des libraires estiment le rythme idéal à "une fois tous les deux mois", et 11,6 % à "une fois par trimestre", contre 31,6 % "une fois par mois". En même temps, la durée idéale d’un rendez-vous ne doit pas excéder 1 h 15 selon 98 % des libraires, voire 45 minutes selon 47 %. "Une gageure face à l’inflation des nouveautés", observe Damien Naddeo qui pointe l’intérêt des nouvelles technologies en matière d’informations.
Désireux à près de 75 % de recevoir, en dehors des visites, "des informations plus régulièrement et plus rapidement (sur un titre qui fonctionne, sur la réimpression d’un best-seller en rupture de stock…)", les libraires plébiscitent les échanges par mail pour 78 % d’entre eux, par téléphone pour 16 %, par SMS pour 4 % et, de manière encore très anecdotique, par messagerie instantanée (1,4 %). Pour Damien Naddeo, "avec le mail, le représentant peut envoyer des informations à tout un panel de libraires ciblés et regroupés dans un mailing, et, avec les messageries instantanées comme WhatsApp, les libraires peuvent être informés tout de suite d’une information comme la réimpression d’un best-seller et ainsi réagir aussi vite que les grandes surfaces culturelles pour le commander."
Les nouvelles technologies ont aussi la cote pour la présentation des nouveautés, puisque 45 % des libraires ont une préférence pour la présentation sur tablette, et 34 % sur ordinateur. Seuls 19 % préfèrent feuilleter un support papier. Ces chiffres amènent, selon Damien Naddeo, "à s’interroger sur le maintien des books papier, d’autant que le numérique permet un contenu plus riche avec l’intégration de vidéos et d’interviews". En revanche, le sondage confirme l’attachement au papier pour la lecture des épreuves. 84 % des libraires préfèrent "recevoir les épreuves de titres à paraître" en version papier, contre 9 % en version numérique.
L’étude de Damien Naddeo révèle aussi que seuls 2,63 % des libraires ne participent jamais aux opérations promotionnelles des éditeurs, mais qu’ils sont 33 % à penser qu’elles ne permettent pas d’augmenter leur chiffre d’affaires. Ou encore que 17 % des libraires reçoivent "souvent, voire très souvent des ouvrages non commandés ou de manière non conforme à la grille d’office", et que 75 % en reçoivent "de temps en temps". Une jolie marge de progression pour améliorer la confiance.