"Je suis, maladivement, dans le projet d’après et ne reviens jamais en arrière. Et j’aime ne rien savoir de la manière dont mes lecteurs me lisent. Cette ignorance préserve ma liberté. C’est, d’ailleurs, le problème général des "data" : que restera-t-il de nos libertés et de nos ombres ?" répond Erik Orsenna, à propos des données de lecture numérique.
Pierre Assouline réagit autant en lecteur qu’en auteur. "Cette perspective est assez effrayante, écrit-il dans son mail. Non pas tant les données techniques (vitesse de lecture, etc.), ni les données déjà publiques (Facebook) qui n’ont d’intérêt que pour les gens de marketing, du moins ceux qui, au sein des grands groupes d’édition, sont persuadés que le livre étant marché, il en est de lui comme de n’importe quel produit et que l’on peut donc l’adapter aux goûts supposés du consommateur en les anticipant. Ce qui, on s’en doute, s’il prenait à un auteur de s’y conformer, n’a rien à voir avec la littérature, fût-ce avec un "l" minuscule. Non, l’insupportable est d’imaginer que l’on puisse connaître et divulguer les annotations du lecteur sur son livre. On est là dans le domaine du privé et de l’intime. Défense d’entrer."
Laurent Bettoni, éditeur chez La Bourdonnaye, auteur d’un thriller (Mauvais garçon, Don Quichotte) au cœur du "darknet", sphère de pratiques non régularisées, se montre aussi très critique. "La bonne démarche, ce n’est pas de fliquer le lecteur via une liseuse, mais de travailler avec des blogueurs, des groupes de lecteurs, auxquels nous soumettons nos livres, et qui nous remontent cette information de façon bien plus vivante que via des statistiques."