28 août > roman France

Les romans de Sylvain Prudhomme sont autant de voyages. Après s’être posé en Algérie dans Là, avait dit Bahi (Gallimard, "L’Arbalète", 2012, prix Louis-Guilloux), le talentueux écrivain né en 1979 nous emmène cette fois en Guinée-Bissau. Dulce vient de mourir. Couto l’apprend par un coup de téléphone de Zé alors qu’il est au lit avec la belle Esperança. Dulce et Couto sont les deux héros des Grands. La première a été la diablesse, l’ensorceleuse. Celle en qui tout était "fêlé, sauvage". Le second, Satunino Bayo dit Couto, lui, est resté le "grand docteur de la guitare". Le "grand patron". Impossible de le rater avec son allure dégingandée, son vieux jean blanchi au soleil, son blouson bouffé d’usure aux coudes et aux poignets.

Trente ans plus tôt, il était déjà un pilier du Super Mama Djombo. Le groupe qui jouait chaque semaine à l’União Desportiva de Bissau avec Armando aux percussions, Chico à la basse, Zé à la batterie. Avec Atchutchi, qui ne chante pas, ne joue d’aucun instrument mais écrit des chansons à tomber. Un beau jour, Dulce avait débarqué parmi eux. Avec sa voix claire, sa voix "d’enfant guerrière et rieuse. De gamine qui chantait dans l’allégresse, sans effet, sans calcul".

Sous son impulsion, le Mambo Djombo avait alors connu la gloire. Trois années d’âge d’or. Les années Dulce. Avec les tournées cubaine, mozambicaine, angolaise. Les enregistrements à Lisbonne. "La liesse des gens, l’engouement des radios, l’euphorie des foules." Dulce avait choisi Couto comme amant. Et puis elle avait fini par quitter le groupe et son amoureux. Accepté d’épouser le nouveau chef d’état-major des armées. Osvaldo Chico Gomes, dangereux militaire à l’autorité naturelle, Couto l’avait croisé dans le maquis de Boé pendant la guerre du Mozambique, quand Gomes était encore seulement capitaine.

Trente ans plus tard, le guitariste n’a rien oublié des heures d’antan. Et encore moins Dulce qui avait insisté pour que le Mambo Djoambo se produise à son mariage, dans une villa aux massifs de bougainvilliers. Pour l’heure, le pays est en pleine agitation. Au bord du coup d’Etat. Dans les rues de la capitale, Bissau, on entend les sirènes de police, les soldats circulent casqués et armés. Mais la vie continue pourtant, même si les cœurs sont lourds… Langoureux et tendu, Les grands ne manque ni de swing ni de style. Egalement reporter pour les revues Le Tigre, Geste et Desports, Sylvain Prudhomme peaufine l’ambiance et le décor d’une terre où il s’est rendu et où il a rencontré certains protagonistes bien réels d’un roman dont on savoure chaque note.

Al. F.

27.06 2014

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