Les premières licences nationales passées entre les éditeurs et le ministère de la Recherche en janvier ont permis à la jeune Bibliothèque scientifique nationale d'acquérir le "Grand corpus des dictionnaires" numérisé par les éditions Classiques Garnier, soit 24 dictionnaires consacrés à la langue française du IXe au XXe siècles. Les bibliothèques universitaires ou de recherche pourront bien sûr y accéder, mais aussi les bibliothèques publiques des agglomérations de plus de 80 000 habitants. "Les grandes universités françaises et étrangères sont abonnées à toutes nos collections, mais grâce à cette licence, nous pourrons toucher les particuliers », se félicite Claude Blum, professeur émérite à la Sorbonne et directeur de Classiques Garnier depuis 2008.

L'homme n'en est pas à son coup d'essai : sa première entreprise de numérisation philologique remonte à 1985, sous l'égide du Fonds national de recherche scientifique suisse. Il s'agissait des oeuvres complètes de Montaigne. "Nous avons réfléchi sur la numérisation d'un texte destiné à des chercheurs, ce qui posait des questions nouvelles : il fallait que la copie électronique soit exactement la même que l'original et facilite la recherche. D'où le développement du langage unicode, par exemple." Vingt-cinq ans plus tard, toutes les publications Classiques Garnier sont "bi-support » : "Ce qui m'a intéressé, c'est de pouvoir développer simultanément l'édition papier et l'édition numérique. Cela permet d'élaborer une seule version, en texte et non en image, propre à une recherche philologique. Notre moteur de recherche permet ensuite de détecter les variantes entre différentes versions, de rechercher une occurrence avec toutes ses variations orthographiques historiques..."

La maison, spécialisée au départ en littérature, a ouvert ses collections aux sciences humaines et au droit. Grâce à une politique de prix drastique ("Toutes les subventions sont utilisées pour baisser nos prix de vente »), Classiques Garnier se positionne dans les programmes de concours de façon de plus en plus régulière. En trois ans, le CA de la maison est passé de 400 000 à 2 millions d'euros. Mais l'ambition de Claude Blum est toute tracée : "Continuer à exploiter toutes les possibilités du numérique en recherche."