22 AOÛT - ROMAN France

On pense, parfois, à une oraison funèbre d'André Malraux. A un thrène incantatoire. Et ce n'est pas un hasard. Comme nombre d'écrivains, Malraux était fasciné par Alexandre le Grand, l'homme qui se bâtit un destin, à qui il a consacré un fort beau texte, Roi, je t'attends à Babylone, au début des années 1970.

Laurent Gaudé- Photo MARC MALKI/ACTES SUD

Peut-être Laurent Gaudé l'a-t-il lu, qui, lui aussi, nourrit depuis longtemps une véritable passion pour le conquérant macédonien, tel que la mort l'a figé, à Babylone, en 323 avant Jésus-Christ. Ecrivant pour le théâtre, Gaudé avait déjà évoqué Alexandre dans sa pièce Le tigre bleu de l'Euphrate, parue en 2002 chez Actes Sud-Papiers. Il lui dédie aujourd'hui un roman polyphonique, conçu comme un cortège de tableaux, où sont convoqués quelques-uns des protagonistes d'une histoire hors du commun, en train de s'achever en même temps que la vie d'un roi blond de 33 ans.

Lorsque s'ouvre le rideau, Alexandre est proche de la mort. Dans la salle d'apparat du palais de Babylone, il repose, en proie à la fièvre et au délire. Parfois, il se sent mieux, bénéficie d'une rémission, et s'adonne à l'une de ces beuveries barbares dont il partage le goût, depuis toujours, avec ses frères macédoniens. Alors, il ressemble à un "pantin ivre". Mais de quoi meurt le maître du monde, dont le royaume s'étend du nord de la Grèce jusqu'à l'Indus ? De ses excès, de malaria ? Ou bien empoisonné par Iolas, son échanson, fils d'un dignitaire qu'il a fait exécuter ? Nul ne le saura. Alexandre, lui, essaie de tenir jusqu'à l'arrivée de Sysigambis, la vieille reine, mère de Darius et magicienne - qui ne pourra rien faire pour lui. Dryptéis l'accompagne, fille de Darius et veuve d'Héphaestion, l'ami de coeur d'Alexandre. La jeune femme, qui est aussi la soeur de Stateira, l'une des épouses du roi, est mère d'un enfant de lui, qu'elle doit cacher et protéger : bientôt se déchaînera une lutte à mort pour la succession et le partage de l'empire entre Perdiccas et Ptolémée.

Alexandre espère surtout le retour d'Erichéops, le messager qu'il a dépêché en Inde, au péril de sa vie, vers le roi Dhana Nanda, souverain du pays du Gange. Il est venu le défier au nom de son maître, qui regrettera toujours de n'avoir pas pu, abandonné par ses soldats, franchir l'Indus.

Alexandre finit par mourir. Et ses compagnons se disputent son corps. Sera-t-il ramené à Pella, l'antique capitale de la Macédoine, et inhumé auprès de son père Philippe ? Ou bien gagnera-t-il Alexandrie, capitale de l'Egypte, fondée par lui en 332 avant J.-C. ? Cet ultime mystère du roi des ombres hante Laurent Gaudé, qui lui a inventé une solution aussi séduisante qu'audacieuse, quelque part sur les bords du Gange.

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