Des écrits de L'homme aux 10.000 femmes, Georges Simenon, aux côtés de ceux d'un pape médiéval, d'Albert Einstein, d'Hergé et de Jacques Brel: voilà une cohabitation surréaliste typique de Bruxelles.

Cet étrange caravansérail est le dernier musée à ouvrir ses portes dans la capitale belge: le Musée des lettres et manuscrits (MLM), petit frère éponyme du MLM parisien, qui ouvre aujourd'hui vendredi 23 septembre dans la capitale belge.

Environ 500 documents, sur un fonds d'environ 80 000 pièces, sont exposés à la curiosité du public.

Pour fêter son ouverture au public, le musée a mis les petits plats dans les grands et organisé une exposition inédite sur le plus célèbre des écrivains belges, Georges Simenon, le créateur du non moins célèbre commissaire Maigret.

Manuscrits, tapuscrits, photos rares, issus de collections privées et du riche fonds du centre d'études Georges Simenon de l'Université de Liège, permettent de s'immiscer dans l'atelier de l'un des écrivains les plus prolifiques (192 romans dont 75 "Maigret" et douze recueils de nouvelles) du XXe siècle.

L'exposition montre qu'une telle fécondité supposait une gestion très rationnelle de la composition romanesque. Il ne fallait pas plus de huit jours à Simenon pour écrire un Maigret, témoigne un calendrier de septembre 1956.

Simenon a coché à coup de crayon rouge rageur huit croix du 6 au 13 septembre. C'est le temps qu'il lui faudra pour écrire Maigret s'amuse. Son roman écrit, dactylographié sur du papier pelure, Simenon le laissait se décanter une petite dizaine de jours avant de s'accorder trois jours pour le relire et, le cas échéant, le corriger.

Pour Maigret s'amuse, Simenon a coché, en bleu cette fois, les dates du 24 au 26 septembre, pour relire son manuscrit.

Le visiteur découvre aussi certaines des fameuses "enveloppes jaunes", véritable table de références, sur lesquelles Simenon consignait, avant de se lancer dans l'écriture du roman, le nom des personnages et des lieux qui allaient peupler son oeuvre, croquis à l'appui parfois.

Le "rituel" change pour ce que Simenon appelle les "romans durs", ceux où n'apparaissent pas son célèbre commissaire. Cette fois, il délaisse la machine à écrire pour l'écriture manuscrite et noircit de grandes pages blanches d'une écriture lilliputienne.

La production de Simenon, entre 1931 (date du premier Maigret) et 1972 (quand il cessa d'écrire), fait apparaître une moyenne de cinq volumes par an.

D'Hergé à Hugo.

Mais le MLM abrite d'autres trésors, avec une place d'honneur évidemment réservée aux artistes belges. On trouve ainsi des lettres et croquis de René Magritte, James Ensor, Maeterlinck, Hugo Claus...

Dans un courrier datant de 1931, le dessinateur Hergé demande à son correspondant de lui envoyer "des plumes de dessin" (il travaillait alors sur Tintin au Congo). Quelques planches originales, en noir et blanc, montrent d'ailleurs son intrépide reporter en action.

Des lettres d'exil de Victor Hugo ou Baudelaire rappellent que Bruxelles fut longtemps une bienveillante terre d'accueil pour les proscrits. On remarque aussi des correspondances, écrites dans un français admirable, de l'écrivain russe Tolstoï ou du poète allemand Goethe.

Protégée de la lumière, les visiteurs peuvent découvrir une bulle papale d'Alexandre III, pape du XIIe siècle qui, non content d'avoir excommunié Guillaume Ier d'Ecosse, jeta l'interdit sur le royaume d'Ecosse.

Sur de simples feuilles volantes, où demeure la trace d'un verre, Einstein expose la théorie de la relativité à son ami physicien Michele Besso. Ce dernier ajoute une équation, en rature une autre, et le spectateur assiste éberlué à la naissance d'une révolution scientifique.

Dans un cahier à spirales d'écolier, Jacques Brel écrit Mathilde et La chanson des vieux amants. Les biffures mettent au jour de façon poignante le mystère de la création.

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Musée des lettres et manuscrits
3, Galerie du roi, à Bruxelles
site internet du musée.