Les romans d’Anne Tyler fourmillent d’hommes et de femmes apparemment ordinaires, mais qui ne le sont au fond pas tout à fait. Les adieux pour Débutants, le dernier en date, met en scène Aaron Wolcott. Suite à une maladie infantile, celui-ci a gardé la jambe et le bras droits estropiés, ce qui l’oblige à se déplacer avec une canne et à porter des prothèses pour conduire.

Le héros d’Anne Tyler est éditeur dans la maison d’édition familiale dont la collection la plus fameuse est une série de guides pratiques pour débutants. Aaron vient de perdre son épouse Dorothy, son aînée de huit ans. Petite femme grassouillette à l’expression empreinte de sérieux, la défunte était médecin, très impliquée dans son travail et souvent vêtue de sa blouse blanche amidonnée.

La pauvre a trouvé la mort le jour où, alors qu’elle était rentrée plus tôt que d’habitude, le chêne blanc du jardin s’est abattu sur leur petit bungalow blanc dans un quartier boisé des Wolcott, à quelques minutes du centre-ville de Baltimore. Par peur de s’effondrer, accablé par le chagrin, Aaron s’est rapidement installé chez sa sœur aînée, Nandina, dans la maison de leurs parents, au nord de la ville.

Comment composer avec la disparition du « seul être avec qui on avait envie de discuter de tout » ? Une fois de plus, chez l’auteure de Leçons de conduite (prix Pulitzer, Calmann-Lévy, 1994, repris dans « La cosmopolite » de Stock), les choses ne sont pas si simples. Peu à peu, la romancière souligne la différence entre ses protagonistes, montre l’écart qui sépare les êtres, même s’ils vivent ensemble. Le lecteur est à nouveau ébloui par sa finesse psychologique. Sa manière de peindre un mariage pas si harmonieux que ça. D’éclairer un Aaron qui, enfant, était obsédé par les tours de magie et se roulait par terre de rire lorsqu’il racontait des histoires drôles. Un Aaron, souvent exaspéré par les manies de Dorothy, et qui croit désormais la voir réapparaître dans leur rue, au marché ou près de son bureau… Al. F.